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C’est en 2009 que les cuisiniers italiens, réunis au sein du Gruppo Virtuale Cuochi Italiani, un réseau de plus de 1 200 pros de la popotte de la Botte répartis dans 70 pays, ont décidé de s’autocélébrer en lançant la Journée mondiale de la cuisine italienne. Cette année, durant laquelle l’Unesco décidera si la gastronomie italienne viendra allonger sa liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, l’événement tombe le 17 janvier mais la date a beaucoup changé depuis 15 ans (le 18 mai, le 2 juin, le 19 mars…). Une chose n’a pas bougé : la volonté de montrer que cette cuisine est « la meilleure du monde », comme le prône (avec un peu de forfanterie nationaliste) Francesco Lollobrigida, le ministre de l’agriculture du gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni.
Alberto Grandi, professeur d’économie marxiste et taquin, démonte, lui, depuis 2018 ce narratif d’une cuisine italienne ancrée dans son terroir depuis Jules César. Dans ses livres (non traduits) Appellation d’origine inventée : les mensonges du marketing sur les produits typiques italiens et La cuisine italienne n’existe pas (!), il jette quelques meules de parmesan dans la mare. En voici trois pas faciles à avaler.
La pizza qu'on connait est née à New York
A Naples, depuis longtemps, le petit peuple mangeait des pizzas debout dans la rue, c’est-à-dire une petite galette avec des herbes, de l’ail, des oignons, puis, au XVIIIe siècle, des morceaux de tomate. Un plat tellement synonyme de pauvreté et de saleté qu’au XIXe siècle, le journaliste napolitain Gaetano Valeriani écrivait : « Les pizzas sont très anciennes chez nous, mais mieux vaudrait qu’elles ne soient jamais nées ! » Mais selon Alberto Grandi, c’est en 1911 à New York, où vivaient plus de 800 000 Italiens, qu’est née la pizza telle qu’on la connaît aujourd’hui : avec de la sauce tomate (disponible toute l’année), du fromage, des champignons… et surtout consommée assis ! Le prof raconte d’ailleurs qu’en 1943, lorsque les soldats américains débarquent en Sicile, ils constatent avec stupéfaction que les pizzerias en Italie n’existent pas encore, et que même à Naples, elles sont rares !
La vraie recette de la première carbonara
La prochaine fois qu’un ayatollah de la carbonara vous récitera, sentencieux, les seuls vrais ingrédients de la recette comme autant de Commandements divins, parlez-lui de Renato Gualandi. Grandi raconte comment ce cuisinier italien a inventé le plat en 1944, lors d’un repas pour les soldats Alliés (dont le futur Premier ministre britannique Harold Macmillan). Dans la recette : du bacon (amené en masse par les GI), des jaunes d’œuf en poudre et… de la crème fraîche. Énorme succès chez les gradés !
Le panettone est une invention industrielle
Oubliez la légende du gâteau improvisé par Toni, cuistot du duc de Milan au XVe siècle. Le panettone bombé à l’aérienne mie au levain et garni de fruits confits date de 1920, quand le Milanais Angelo Motta lance et industrialise cette recette (avec son repos de 48 heures). Avant lui, ce pane de tono (« pain de luxe ») était une sorte de focaccia raplapla dans laquelle on jetait une poignée de raisins secs et une pincée d’épices. Moins glamour !