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Fluctuart, le tout premier centre d'art urbain flottant au monde, ouvre la semaine prochaine ses portes au public. Architecture, emplacement du futur, programmation ou encore gratuité totale : on a fait le tour des atouts du lieu avec Nicolas Laugero Lasserre, l'un des trois fondateurs.
« Très souvent, je fais coucou aux bateaux-mouches. Je vais sans doute en avoir très vite marre mais pour l'instant, je prends du plaisir. » Installé sur la terrasse de Fluctuart, Nicolas Laugero Lasserre a toutes les raisons de ne pas bouder son plaisir. Dans une semaine, quatre ans après le lancement du projet et un an après le début des travaux, son nouveau bébé, le premier centre d'art urbain flottant au monde, ouvre ses portes.
Premier lauréat à émerger de l’appel à projets Réinventer la Seine, Fluctuart trouve sa sève dans un triumvirat formé par l'entrepreneur Géraud Boursin, Nicolas Laugero Lassserre, figure centrale du développement de la scène street art en France, et Eric Philippon, gérant de fonds d'investissement. Quant aux traits de la barge, on les doit au cabinet d'architectes Seine Design, à l'origine d'un bon paquet de structures flottantes qui ont vu le jour ces dernières années sur le fleuve. Voilà pour le livret de famille.
Libre mise en Seine de l'art urbain
C'est en ce temps des cerises millésime 2019 que le centre d'art urbain se dévoile, entre les Invalides et le Grand Palais et jamais loin de la tour Eiffel. Imaginé avec « une obsession des vues et de la transparence et l'idée de s'incliner devant la beauté des lieux », comme nous le confie son directeur, Fluctuart rayonne. De ses 1 000 mètres carrés répartis sur trois étages, il se dégage un sentiment de liberté. On se balade librement entre les différents niveaux du lieu, on sort de la classique enfilade de tableaux et, surtout, on a constamment l'horizon comme perspective.
Il y a notamment cette cale de 3,5 mètres de hauteur divisée en deux espaces à l'allure d'arènes qui accueillent les expositions temporaires. Sans doute là où la liberté artistique trouvera son plus bel écrin. Puis ce pont inférieur, entièrement vitré, accueillant à la fois une librairie spécialisée et un lieu de vie entre bar et espace d'exposition de la collection permanente. Enfin, cerise sur le bateau : la terrasse panoramique de 350 mètres carrés et cette vue à faire chialer un bus à impériale. Détail clé : Fluctuart sera entièrement gratuit et ouvert sept jours sur sept, de midi à minuit !
Une programmation de première classe
Il ne manquait plus qu'une programmation à haute teneur qualitative. Avec Time Capsule, la première rétrospective européenne de la street artiste new-yorkaise Swoon, Fluctuart frappe fort d'entrée. Alors que Nicolas Laugero Lasserre déplore la faible proportion de femmes dans le milieu de l'art, cette première exposition fait passer un message sur les ambitions du lieu.
Evoquer le travail de Swoon avec lui, c'est le faire monter dans les tours et prendre des accents quasi lyriques : « C'est une artiste majeure de ce mouvement. Depuis vingt ans, elle ne nous a pas attendus pour aborder les sujets de société. Les questions de genre, d'avortement, d'écologie etc.. Elle incarne ce qu'est l'art et ce qu'est une artiste. Quand on regarde ce que Molière a laissé, ce sont des radiographies sociologiques de son temps. Swoon, c'est ça : c'est la Molière de l'art d'aujourd'hui. »
A côté des trois expositions temporaires annuelles, la collection permanente d'une quinzaine d'œuvres proposera elle aussi du très lourd. Quelques noms ? Banksy, Futura 2000, Rammellzee, Speedy Graphito, JR, Shepard Fairey, Mark Jenkins ou encore Invader. Evolutive, cette collection devrait bientôt accueillir de nouvelles pièces. L'arrivée d'un certain Basquiat serait même dans les tuyaux.
À côté de tout ça, on pourra profiter de la librairie spécialisée pensée par le spécialiste ès street art Christian Omodeo, des médiations assurées tous les jours gratuitement par les élèves de l'Icart (Ecole de médiation culturelle et marché de l'art) ainsi que des ateliers pour les enfants curatés tous les dimanches par le Musée en herbe. Et après, il y a tout ce qui reste encore à créer, sur le quai, sur le bateau lui-même et ce qu’on n’a pas encore imaginé. Un conseil : passez au moins un soir au cours du mois d'ouverture pour admirer un magnifique mapping de l'atelier Athem sur le quai, autour de l'expo de Swoon.
Plus qu’un musée, un lieu de vie
Sur le papier, nous voilà devant un centre d'art avec des œuvres d’artistes majeurs, entièrement gratuit. Mais on parle tout de même d’un projet qui a coûté 4 millions d’euros – entièrement fournis par des fonds privés –, d’un bateau à entretenir, d’expositions à financer et tout cela sans subventions. Interrogé sur le modèle économique du lieu, la réponse de Nicolas Laugero Lasserre est claire : « On fait le pari de vivre sur le café, bar et petite restauration. »
C’est ainsi que Fluctuart compte sortir du carcan muséal. Sur la barge, on prendra certes une claque artistique mais on pourra aussi venir bruncher le dimanche, danser lors d’événements, boire l’apéro et manger un bout. Si l’été, la sublime terrasse appâtera le chaland, on se rapatriera sur le pont inférieur l’hiver venu, là où sont exposées les croûtes de Banksy et autre Futura 2000. Côté carte, on se situe sur une offre tendance tapas gastronomiques, à des prix certes pas donnés mais loin d’être scandaleux. Exemples ? L’assiette composée de chair de tourteau de l’Atlantique au pamplemousse rose, céleri-rave, tobiko wasabi, vinaigrette (10 €), la grande planche mixte (18 €) ou le falafel (9 €). Pour ce qui est du bar, la pinte de blonde est à 6 €, les cocktails à 12 €, le verre de vin à 4,5 € et la bouteille à 24 €. Suffisant pour donner envie de pousser jusqu’au port du Gros-Caillou.
C’est d’ailleurs au moment de quitter ce port étrangement nommé qu’on taquine Nicolas Laugero Lasserre sur le phénomène de muséification du street art et les nombreuses critiques qui l’accompagnent. Conscient de celles-ci, il y perçoit une nécessité pour ancrer le mouvement dans l'histoire : « Bien sûr que la rue est l'essence de ce mouvement. Mais pour qu'il y ait une reconnaissance dans quelques décennies ou siècles, il faut laisser une trace. Ce serait tellement dommage que tout cela soit éphémère. Quand tu vois le niveau d'une Swoon, ça ne peut pas être qu'éphémère. » Quant à Fluctuart, rien d’éphémère, ils ont un bail de vingt ans, avec de bien belles choses en perspective.
Quoi ? Ouverture de Fluctuart, le premier centre d'art urbain flotte du monde
Quand ? Ouverture prévue lors de la semaine du 3 juin 2019 ; Sous réserve de validation par la commission de sécurité : Puis ouverture tous les jours, de midi à minuit
Où ? Pont des Invalides, Port du Gros Caillou, 7e
Combien ? Accès libre et gratuit