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Nicolas Pierre n’est pas un architecte ordinaire. D’abord parce que chez lui, Paris est tout petit. Ensuite, parce que les maquettes qui peuplent son appart/atelier ne sont pas des modèles, ni des représentations prévisionnelles d’immeubles à venir. Au contraire, la plupart des miniatures de l’artiste installé à Saint-Ouen sont des reproductions de lieux qui ont déjà eu une longue vie, et ont été – ou sont sur le point d’être – détruits.
Un minutieux travail d’archivage, mélancolique et gai, qui témoigne de la disparition progressive d’un monde : “Ce qui m’intéresse, nous explique-t-il, c’est de montrer les quartiers populaires et périphériques, les faubourgs de Paris et de sa banlieue, parce que ce sont des quartiers qui changent assez vite. Il y a les travaux pour les JO, le Grand Paris, la gentrification… Il y a une part de nostalgie aussi, parce que ce sont des endroits de mon enfance et que beaucoup disparaissent.”
Formé au dessin et à la peinture, Nicolas Pierre commence à monter ses premières maquettes pour le fun, vers 15 ans, avant de s’y remettre plus sérieusement près de vingt ans plus tard. A Saint-Ouen depuis toujours, c’est d’abord à un ensemble d’immeubles défraîchis de son quartier (aujourd’hui détruit) qu’il s’attaque. Le résultat est bluffant. Tout y est, des tags sur les rideaux de fer à l’intérieur mal éclairé du bar PMU.
Dans son atelier, sous une montagne de petits morceaux de carton, il peint ses mini-graffitis à la main, et colle avec application ses petites impressions de devantures, publicités et autres affiches aux murs… “C’est la partie que je préfère, quand j’approche de la fin, avec la mise en couleur, le travail du grain et des textures… Et puis tous les petits détails des boutiques et des murs, qui donnent de l’âme et du charme à la pièce.”
Retour à la vie
Pour reproduire le plus fidèlement possible les bâtiments qu’il choisit, le jeune homme les photographie sous toutes les coutures – ou geeke sur l’application Street View : “Ça me permet de remonter dans le temps, jusqu’à dix ans en arrière.” Le résultat, hyper-réaliste, a le charme suranné des décors carton-pâte des premiers studios de cinéma. Ses œuvres sont d’ailleurs louées pour des clips, comme celui du rappeur Damys, dans lequel les immeubles de Nicolas Pierre sont à nouveau animés de la vie qu’on leur avait pris.
Si l’idée de mettre en scène son travail au sein de projets audiovisuels le réjouit, le miniaturiste préfère ne pas habiter ses œuvres de personnages et les laisser brutes, pour éviter l’effet “jouet”. Un enjeu qui résonne à l'aune de sa prochaine exposition au sein de SPOT24, nouveau musée consacré aux sports urbains, qui ouvrira ses portes le 7 novembre. “La pièce que je présente, c’est une miniature du viaduc de Stalingrad. Tout autour, on installe une table de finger skate sur laquelle les gens pourront jouer pendant plus d’un an d’expo. Mais l’idée, c’est que la pièce, centrale, reste protégée : on ne peut pas y toucher.”
Après SPOT24, Nicolas Pierre aimerait trouver le temps, entre ses nombreuses commandes de clients privés, de monter sa propre expo : “Là, il doit y avoir une trentaine de bâtiments que j’aimerais faire dans Paris, comme le Président, l’ancien resto chinois à Belleville, ou certains spots des puces de Saint-Ouen. J’aimerais avoir suffisamment de pièces d’ici à l’année prochaine pour monter un ensemble cohérent, qui puisse être exposé. Pas forcément en solo d’ailleurs, peut-être en collaboration avec un artiste comme le peintre Lutes, qui fait des toiles de Paris hyper-réalistes auxquelles mon travail fait écho.”