Critique

A pied d'œuvre(s)

4 sur 5 étoiles
Jamais exposition aussi basse n’a été d’un niveau aussi élevé.
  • Art, Art contemporain
  • Recommandé
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Time Out dit

Quelle autre exposition parisienne réunit le « ready-made man » Marcel Duchamp, Yves Klein, Alberto Giacometti, ORLAN, Man Ray, l'accumulateur Tony Cragg et le sculpteur Carl Andre (entre autres talents) ? Qui plus est dans le décor somptueux de la Monnaie de Paris ? Si vous avez la réponse, alors vous mesurez combien ‘A pied d’œuvre(s)’ est à tomber par terre. Un degré d’exceptionnalité d’autant plus vrai que cette exposition événement joue sur l’originalité de sa scénographie, déployée à même le sol. 

De l’art à ras de terre 

S’inscrivant dans la programmation anniversaire du Centre Pompidou – prêteur de la plupart des œuvres présentées – ‘A pied d’œuvre(s)’ fait l’économie de cimaises en réhabilitant un support pour le moins terre-à-terre : le plancher. De la vidéo contemplative de Pipilotti Rist, projetée sous nos pas, au ‘Trébuchet’ de Duchamp, porte-manteau décroché de son mur, les pièces de la Monnaie se regardent toutes d’en haut. Et lorsqu’on lève les yeux, c’est seulement dans le but d’admirer les clichés d’ORLAN, rampant sur la moquette des institutions muséales pour les besoins de ses MesuRages. Ou bien les photos d'Eve Sonneman, saisissant à la craie les ombres humaines de Central Park, comme le faisait poétiquement Bert dans 'Mary Poppins'.  

Une façon de remettre les choses à plat 

« Mais pourquoi abaisser l’art au ras des pâquerettes ? », se demanderont certains. Et si, au contraire, ce nivellement par le bas était la meilleure manière d’élever le débat ? En offrant un nouvel angle de vue au visiteur, qui tourne autour de ‘La Femme égorgée’ de Giacometti en tentant de discerner les membres de bronze de la pauvre victime, ou qui se penche religieusement sur le tombeau de verre où gît ‘Ci-gît’, les œuvres endossent une autre portée. Ainsi, le ‘Red Angel of Marseille’ de James Lee Byars ne constitue pas la section ‘Allégorie’ pour rien puisqu’il déroule sur le carrelage à damiers de la Monnaie un serpent de sphères en verre rougeoyantes. Ou est-ce un jardin à la française ensanglanté ? Un être céleste déchu, son corps inerte dessinant à terre des arabesques ? On hésite, on s’interroge : tel est le propre de l’art. 

Mais surtout, libérée de toute contrainte fixatrice, la matière s’exprime sans artifice, sans colle et sans mastic. Pure. Un naturel primitif, à la dimension presque chamanique dans ‘Pittura Pura’ de Claudio Parmiggiani, mosaïque de pigments et d’épices modelant une œuvre aussi visuelle qu’olfactive. Qui peut toutefois frôler le simpliste avec le tracé minimaliste de Carl Andre, pentacle hexagonal de 158 segments d’acier bleuté. Mais, après tout, dans les expos collectives, on ne peut pas tout aimer…

Ce qu’on estime en revanche c’est que, malgré son ancrage au sol, ‘A pied d’œuvre(s)’ n'a pas cédé à la gravité. Fusionnant poésie, ironie, bizarrerie et pertinence, cette exposition sait teinter de légèreté un sujet qui a les deux pieds sur terre. Pour mieux atteindre les cimes.

Avec un beau 4 étoiles, 'A pied d'œuvre(s)' fait bien entendu partie de notre dossier des meilleures expos de Paris. Mais aussi des expositions d'art contemporain à ne manquer sous aucun prétexte !

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Prix
De 5 à 10€
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