On a beau s'embastiller cent fois à la Bourse de Commerce, sa rotonde a toujours le même effet sur nous : nous murer dans le silence tant elle est impressionnante. Ce n’est visiblement pas le cas du vidéaste Anri Sala, qui, à l’occasion d’une carte blanche, fait vibrer les parois de béton de la Collection Pinault d’une musique qui sème le trouble, nous poussant à écouter religieusement ces airs dissonants.
Avec Time No Longer, l’artiste albanais poursuit et conclut l’exposition précédente, Une Seconde d’éternité, de façon magistrale. Si l’on peut reprocher à la Bourse de Commerce de manquer cruellement d’accessibilité (en raison de ses tarifs exorbitants et de sa médiation, ultra-discrète), la programmation de Sala, tout en poésie, semble destinée à embarquer le plus grand nombre. Le voyage commence par Time No Longer, un film en images de synthèse projeté sur un énorme écran (55 mètres de large !) épousant parfaitement les courbes de la coupole. Durant treize minutes, on se retrouve plongé au cœur de la Station spatiale internationale, non pas pour un trip à la Interstellar mais pour un concert un peu chelou. À l'affiche ? Une platine défiant les lois de la gravité dont les mélodies rendent hommage à Ronald McNair, astronaute et saxophoniste afro-américain qui rêvait d’être le premier musicien à jouer dans l’espace, et au compositeur Olivier Messiaen, ancien détenu du stalag de Görlitz.
Ponctuée d'œuvres en vitrines et en galerie 2, l’expo s’achève sur le magnifique film 1395 Days Without Red (2011), diffusé dans l’auditorium du sous-sol. On y suit une musicienne de Sarajevo qui fredonne dans sa ville assiégée en se rendant à une répétition de l’orchestre national. Tout y est : bande-son, angoisse, tension, sans que jamais un mot ne soit prononcé. Un chef-d'œuvre absolu – bravo Maestro !