Juillet 2015 : après deux années d'impatience, la Manufacture 111, centre d'art urbain éphémère, s'implantait dans une version pérenne porte de Vincennes. Juillet 2016 : avec un an d’activisme artistique et plusieurs expositions remarquables au compteur – 'Calligraffi' et 'Street Dance' en tête – ce bouillon de cultures propose une exposition best-of : 'ArtWork'.
Histoire de bien marquer le coup (et la rétine des visiteurs), 'ArtWork' réunit donc six créatifs aux techniques variées (peinture, spray, craie…) et parfois insolites (comme les portraits animaliers d’Antoine Bertrand, réalisés au sabre). Des virtuoses, connus ou moins connus, ayant néanmoins un point commun : celui d’avoir participé à une session de live painting sur le mur principal de la Manufacture 111.
Après une entrée en matière en forme de collages pop du célèbre graffeur Jo Di Bona, on passe à des portraits de femmes acidulés aux regards noirs et blancs, pleins de ‘RAGE’, d’Antoine Bertrand. Un aigle, un requin ou encore un gorille nous observent, prédateurs, de leur féroce prunelle. Et paraissent prêts, semble-t-il, à nous happer telles de vulgaires proies.
Il faut dire que, comme un rappel aux fresques murales que les artistes invités ont précédemment réalisées, les toiles débordent allégrement sur les cloisons. Les bêtes sauvages s’échappent de leur cadre, les couleurs éclaboussent, dégoulinent et se déversent jusqu’à se répandre sur plusieurs mètres, à l’image des tags calligraphiques de Papa Mesk et des installations chamaniques de Claire Courdavault. Mobiles faits de coquillages, brindilles et os, transe spectrale autour d’une lune bleue et aspersions de peinture faussement enfiévrées : les œuvres (toutes inédites !) vivent, débridées, et nous transportent d’un univers à l’autre sans jamais révéler d’incohérence.
Même celles qui ne s’évadent pas hors du cadre, comme c’est le cas des tableaux de Gilbert Mazout, n’en sont pas moins exaltantes. Nourri à la figuration libre et inspiré du vaudou dahoméen, l’art métissé de l’artiste se joue en effet de nos perceptions à grand renfort d’accumulations façon Arcimboldo, de pigments purs et de solvants décapants. On croirait ainsi ses paysages symboliques – une cité poussant dans un épi de maïs – peints sur du liège, mais ce n’est qu’illusion. Tout comme les hypnotiques volumes géométriques de Brice Maré, prolongeant l’espace vers un ailleurs astral.
Pas de doute, avec 'ArtWork', la Manufacture 111 a encore fait du bon boulot !