Critique

Autoportraits

3 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
  • Recommandé
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Time Out dit

Narcissique « j'y étais » où l'on s'exhibe avec une bouche de canard pour immortaliser son double menton, le selfie a peut-être fait de l'autoportrait la forme photographique la plus courante ces derniers temps. Mais certains y arrivent mieux que d'autres, et ce même sans les réglages automatico-instagrammés de leur smartphone : la preuve à la galerie Les Douches, qui propose une belle sélection d'autoportraits de photographes venus de France, des Etats-Unis, de Chine, des années 1930 ou du XXIe siècle. Soudain, nous voilà propulsés hors-champ, de l'autre côté de ces clichés que l'on contemple en oubliant parfois qu'il y a bien quelqu'un qui appuie sur le déclencheur. Et si le résultat de ces prises de vue est aussi varié que leurs auteurs, on constate tout de même quelques fils directeurs à cette exposition hétéroclite.

S'il reste parfois très sage (Erwin Blumenfeld) voire cérémonial (Raymond Depardon jeunot, posant avec son scooter orné d'un macaron presse pour ce qui serait sa première photo), le photographe décidé à tirer son propre portait se révèle souvent très taquin. Jeux de mise en scène, jeu de cache-cache, jeu d'ombre ou de reflets, expérimentations diverses : son intrusion dans l'image se veut intrigante, et laisse voir des corps morcelés (Hervé Guibert, Arno Minkkinen), distordus (Berenice Abbott, Sabine Weiss), souffrants (Rodolf Hervé), ou mis en scène dans des jeux d(e)rôles, chez Brassaï ou Kourtney Roy.

Cette image du soi revêt une dimension autobiographique évidente, qui saute aux yeux chez le Hongkongais Dan Leung : perdu sur les toits de la jungle urbaine, parmi les publicités et les antennes, comme écrasé par les immeubles qui le surplombent, il semble faire corps avec sa ville, indissociable de son œuvre, et tirer le portrait de son environnement en même temps qu'il tire le sien. C'est aussi le cas de la superbe série de la mystérieuse Vivian Maier. Méconnue jusqu'à sa mort et la découverte de son œuvre en 2009, celle qui est depuis considérée comme l'une des plus brillantes représentantes de la street photography américaine se révèle ici, discrète et sensible, dans le reflet d'une vitrine ou d'un miroir abandonné, là, au détour d'une rue ou d'une arrière-cour bordélique. Dévoilant, par là même, le visage de la ville qu'elle arpenta en long et en large, son appareil à la main : Chicago.

> Horaires : du mercredi au samedi de 14h à 19h.

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