Dans les salles du musée Bourdelle, un prestigieux invité vient faire son apparition aux côtés du statuaire des lieux. L’espagnol Cristobal Balenciaga (1895-1972), alchimiste de la couture et maître incontesté de la forme, décline soixante-dix œuvres exclusivement noires au milieu des sculptures de l’artiste français. Et l’alchimie entre les deux saute aux yeux : le dialogue élégant et plein de contrastes qui se crée entre les statues athlétiques du musée et les créations mythifiées de ce technicien hors norme mettent indéniablement la richesse de ces dernières en valeur.
De l’imposant hall des plâtres à l’extension contemporaine de Portzamparc, jusqu’aux ateliers de Bourdelle, le noir austère qui habite les silhouettes y apparaît comme, plus qu’une couleur (ou une non-couleur), une matière. Un aspect tantôt obscur ou lumineux, mat ou éclatant, qu’on doit avant tout à la magnificence des tissus. En satin, en velours, en lainage ou en gazar de soie, ils viennent tour à tour se conjuguer parfaitement à cette teinte. Plus encore, la monochromie du noir met en avant tout le talent de sculpteur de Balenciaga : notamment les formes sculpturales et la géométrisation des volumes d’une robe de soirée ou de cette tenue de tous les jours.
Au milieu de cette ode au noir, il est aussi question de savants jeux de lumière. On découvre des robes à l'abri des rayons du soleil - pour des questions de conservation - dans des cabines drapées d’un linceul, ou planquées dans des salles ombragées. Cette pénombre et ce noir renvoient directement à l’enfance espagnole de Balenciaga - lui qui a fui le franquisme pour la France en 1937. Une grande réussite, en somme. Qu’un ruban de couleur rose opalescent viendrait presque gâcher…