La liste des invités fiche presque la chair de poule : Richard Avedon, Robert Morris, Nan Goldin, Valie Export, Nobuyoshi Araki, Peter Hujar… Et on en passe. Autant dire que lorsqu’il participe au Mois de la photo, le Centre culturel suisse ne fait pas les choses à moitié, en exposant quelques perles bien choisies de la collection du Fotomuseum Winterthur. A l’honneur : le corps humain sous toutes ses coutures, du plus pudique au plus exhibé, du plus soyeux au plus flasque. Sensuelle, sculpturale, flétrie ou morcelée, qu’importe – ici, c’est la chair, quelle que soit sa forme, qui reprend ses droits. Avec, casting d’artistes subversifs oblige, un penchant marqué pour l'étrange, la concupiscence et le détournement des codes de la sexualité.
Au fil d’œuvres emblématiques, parfois crues, parfois d’une grâce délicate, l’exposition explore ainsi la manière dont le corps, tour à tour symbole de pureté, arme de luttes féministes ou emblème de décadence, s’est effeuillé dans les chambres noires au cours des cinquante dernières années, dévoilant son épiderme selon les causes et les idées qu’il lui fallait incarner. A la pudeur des mains saisies par Igor Savchenko, qui semblent exprimer à elles seules tout la subtilité d’un geste, d’un échange affectif, d’un sentiment, répondent les mises en scène parodiques et trash d’Anetta Mona Chisa & Lucia Tkácová, qui jouent, entre filles vêtues de la tête aux pieds, à reproduire des scènes d’accouplement hétérosexuel dignes d’un mauvais porno (Annetta et Lucia forniquant dans une voiture, Annetta et Lucia copulant dans la buanderie…). Aux femmes afro-américaines calquées sur le modèle de la classe blanche dominante, photographiées par la féministe Lorna Simpson, font face les travestissements ironiques d’un Ugo Rondinone, déguisé en pin-up nymphomane, en fumeuse de clopes androgyne ou en ado siroteuse de milkshakes. Et, au milieu de tout ça, la Suisse Annelies Štrba de jouer avec la texture, les couleurs, le flou, faisant presque de la peinture abstraite en hommage à la beauté plastique de ses modèles.
Tout un éventail de représentations de la nudité, du langage corporel et des codes vestimentaires qui montre férocement du doigt les apparences physiques et sociales, les rapports de domination entre homme et femme ou les carcans brumeux de la bienséance. Accroché près de trois immenses portraits de Richard Avedon (tirés de ‘In the American West’), d’une intensité folle, un autoportrait de Nan Goldin vient clore le bal. Lumière crue, regard fixe, œil en sang : prise peu après que la photographe se soit fait battre par son campagnon, cette image grinçante résonne comme le point d’orgue d’un parcours électrique.
> Horaires : du mardi au dimanche de 13h à 19h
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