Rendre compte de la complexité du travail de Boris Mikhailov n’est pas facile. Grâce à un parcours ultra pédagogique et à un corpus d’exception – on parle de 800 clichés –, la MEP nous embarque dans l’univers du photographe de l’Est et nous plonge dans l’histoire de l’Ukraine, entre le totalitarisme, l’URSS et les conflits modernes. Première rétrospective française consacrée à l’artiste, l’expo tombe à pic, nous informant bien mieux que les chaînes d’info sur les multiples tensions qui régissent la vie des Ukrainiens depuis des décennies.
C’est sur une BO de Pink Floyd que l’on débarque dans l’expo, groupe indissociable de la lutte contre le totalitarisme, qui a notamment consacré un album entier à la chute du mur de Berlin. Au son de The Great Gig in the Sky, on découvre des prises de vues aussi politiques qu’érotiques, engagées mais aussi teintées d’humour. La série Yesterday’s Sandwich (1966-1968) en est un des plus beaux exemples. Un peu à la manière d’une tarte Tatin, cette œuvre est née par accident, le photographe ayant jeté sur son lit deux négatifs qui ont fini par se coller entre eux. Gros déclic chez l’artiste qui s’amuse à créer des collages surréalistes, faisant sortir des plumes de paon d’une paire de fesses ou changeant un corps nu en statue de sel. Un délire qui renvoie aux messages codés, courants dans l’Ukraine soviétique. Et ça, c’est tout l’art de Mikhailov : sous des apparences fun et légères, il y a toujours une référence politique.
Si les différentes expérimentations de l’artiste rythment les salles de la MEP, c’est surtout l’omniprésence de l’individu qui nous frappe, dans une dictature pourtant tournée vers le peuple. Portraitiste hors pair, le photographe capture des SDF, détourne des images de propagande et immortalise le quotidien des Ukrainiens. Entre travail documentaire, art conceptuel, introspectif et performatif, l'œuvre du bonhomme prend une tonne de formes, nous offrant une expérience pleine de surprises.