Si la renommée de Chiharu Shiota doit beaucoup à ses travaux XXL tissés de rouge, avec Memory Under the Skin, elle renoue avec l’un de ses thèmes de prédilection : le vêtement, qu’elle emprisonnait en 2017 lors de sa dernière expo rue du Grenier Saint-Lazare. C’est d’ailleurs une immense robe blanche tachée de rouge qui nous accueille dans la galerie, tournant sur elle-même grâce à un système de motorisation. Suspendue au plafond, cette tenue est l’incarnation de nos souvenirs, une seconde peau qui reste après notre mort. Une première intervention saisissante qui en annonce une seconde où les fils entrelacés tels des veines traversent l'espace et enveloppent des mains en bronze placées au sol, destinées à rester après la disparition de Shiota. Un peu angoissée, l’artiste ?
Star de l’expo, l’œuvre centrale intitulée The Extended Line a été conçue in situ pour l’événement. Des milliers d'origamis suspendus dans les fils forment un réseau complexe évoquant à la fois les souvenirs individuels et collectifs, et on se laisse transporter par cette mer de papiers flottants qui nous incite à réfléchir à notre propre parcours et aux souvenirs qui nous définissent. S’ouvre ensuite un nouvel espace où la pratique de la Japonaise se diversifie et où les vêtements en bronze de sa fille se pérennisent et continuent d'interroger la transcendance.
La force de cette expo réside dans la capacité de Shiota à jouer avec la lumière. Alors que le rouge prédomine au rez-de-chaussée, les fils noirs du sous-sol contrastent avec le white cube immaculé, permettant à la lumière qui s’y faufile de donner une dimension supplémentaire à l'ensemble, révélant des motifs et des détails insoupçonnés. Un jeu subtil qui accentue encore l'impact émotionnel de chaque installation. Et l’on ne peut que saluer l’effort de la galerie Templon sur la curation et la scéno, signant une exposition aussi complète que poétique.