Qui ne s’est jamais demandé, en admirant une sculpture antique ou un tableau de Maître, comment l’artiste pouvait ainsi donner à la toile ou à la pierre l’ardeur de la chair ? Faire du vivant avec de l’inanimé ? Pour percer ce mystère, rendez-vous à la Petite Galerie du Louvre, dans l’aile Richelieu. Là, l’exposition ‘Corps en mouvement’ –dont le commissariat est assuré par le célèbre chorégraphe Benjamin Millepied – nous transporte dans un tourbillon de statues en « marche apparente », d’anges prêts à prendre leur envol, de ballerines virevoltant (notamment la serpentine Loïe Fuller immortalisée sur pellicule par Auguste Lumière) et de poursuites amoureuses.
Admirer la beauté, et comprendre de quoi elle est faite
Devant des figurines égyptiennes et des réalisations plus contemporaines, des peintures classiques capturant Apollon en pleine course – tel un arrêt sur image – ou face à l’énergie dégagée par des tanagras apparemment statiques et la fluidité des dessins au noir fumé, on reste subjugués. Alors que les œuvres présentées nous viennent d’époques où la 3D n’existait pas, inenvisagée et inenvisageable, la dynamique qui les anime fascine. On s’impose de longues poses pour décortiquer l’ondulation d’un voile, l’élan d’une foulée, le soulèvement d’une chevelure ou le déploiement d’un bras tendu vers les cieux. S’attachant ainsi aux détails d’un ‘Mercure volant’ ou d’une danseuse de kathak indienne, on (re)découvre des œuvres dans toute leur majesté. Et, quand bien même certaines tensions ou torsions du corps nous paraissent peu réalistes ou exagérées – comme c’est le cas des chevaux du ‘Derby d’Epson’ de Géricault –, on se laisse emporter par tant de beauté et de technicité.
Car, ici, on ne se complaît pas dans la contemplation. On apprend également la gestuelle de l’artiste pour animer l’argile, astuces techniques d’un dieu créateur donnant vie à la matière au travers d’une vidéo illustrative. De même qu’on enrichit son vocabulaire (du procédé artistique « contrapposto » par exemple) et expérimente soi-même le séquençage du mouvement grâce à un miroir fragmenté rappelant les chronophotographies d'Eadweard Muybridge. Une déambulation agitant agréablement nos neurones qui, on le regrette, se termine trop vite. Heureusement, on se consolera en débouchant sur la Cour Marly du Louvre qui, avec ses géants de marbres semblant sur le point de quitter leur piédestal, peut être vu comme un prolongement de l’exposition.
Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris