C’est au Salon du Panthéon, à l’étage du cinéma d’art et d’essai du même nom, que nous avons la chance de contempler quelques jolis clichés issus de la collection personnelle de David Nissen. Dans ce lieu propice à la rêverie, entourés de sofas en cuir et de bibliothèques, nous nous laissons porter par les douces notes de Louis Armstrong et Duke Ellington en fond sonore.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, David Nissen est directeur de la photo depuis plus de quinze ans. Il a notamment travaillé avec des réalisateurs comme Jacques Audiard et Christophe Gans, mais également prêté son talent pour les clips de nombreux chanteurs français, ainsi que pour des spots publicitaires de grandes marques. Mais en dehors de ce métier prenant et passionnant, il exerce son œil de photographe lors de pérégrinations solitaires, où il part à la recherche de paysages et d’atmosphères qui ont une histoire à dévoiler.
Nous retrouvons dans chacun de ses clichés une ambiance lumineuse singulière, un petit penchant pour le clair-obscur et pour les contrastes marqués, ce qui les rend tour à tour fascinants et hypnotiques. Horizontales ou verticales, les lignes ont également une part importante dans la structuration de ses photos : des routes, des réverbères, des pavés et marches d’escaliers semblent tisser un chemin narratif, esquisser le point de fuite d’un possible récit. Aussi ses personnages en mouvement – parfois de simples spectres perdus dans des atmosphères brumeuses et mystérieuses rappelant celles du photographe Todd Hido – nous projettent-ils dans un univers émotionnel à la puissance inexplicable.
Si les photos de David Nissen pourraient être tirées de films, comme entités picturales appartenant à un récit global (on pense par exemple au cinéma expressionniste allemand), leur épaisseur nous les ferait parfois prendre pour des peintures. Nous y retrouvons notamment certains traits des toiles réalistes d’Edward Hopper, dépeignant des scènes de vie qui engendrent un cadre fictionnel invisible.
Devant ces clichés dont le flou pictural enivre, le spectateur paraît lui-même devenir acteur de la toile : il est cette femme aux boucles blondes, devant le quai du métro. Il est cette vieille dame, de blanc vêtue, qui arpente timidement une grande route dans l'obscurité. Il est cet homme pressé, dont l’ombre se reflète sur le mur d'un escalier. Il traverse un passage piéton, il flâne et déambule. Et voilà qu'il s’invente des voyages, des amours, des préoccupations et des histoires qui ne sont pas les siennes – décidant finalement de poursuivre ses rêveries au creux d'un sofa du Salon du Panthéon, un apéritif ou une tasse de thé fumant à la main.