Photographe mal connu en France alors que son œil était aguerri et vif, Eli Lotar retrouve la place qui lui est due grâce à l’exposition d’une rare beauté que lui consacre le Jeu de Paume.
Un œil moderne
A travers plus d'une centaine de clichés, on parcourt l'œuvre avant-gardiste, diablement moderne et parfois étonnamment surréaliste de ce photographe contemporain de Germaine Krull, Giacometti et Luis Bunuel. Reporter au regard précis et cherchant l'angle le plus percutant pour rendre compte de la réalité à l'œuvre, il réalisa un certain nombre de photos pour la presse de l'époque (Détective, VU, L'art vivant…) que l'on rencontre ici, aussi bien par leurs tirages originaux que par les coupures presse dans lesquelles elles prenaient place.
Cette mise en scène du contexte artistique d’Eli Lotar ajoute à la brute authenticité du quotidien d'un photographe pour magazines des années trente. Réel et réaliste, Eli Lotar témoignait en effet de son temps, de sa ville, des hommes qui la faisaient. Une emprise du réel sur son travail qui se retrouve également dans son travail cinématographique.
Un homme de cinéma, aussi
Réalisateur d'un court-métrage de vingt-quatre minutes sur Aubervilliers – que l'on a le plaisir de pouvoir voir entièrement dans l'exposition –, Eli Lotar jouait de tous les médiums que son temps lui procurait dans sa recherche d'archiviste du réel. Passé plus inaperçu encore que ses photos, son travail au cinéma est ici revalorisé. Engagé politiquement, de façon tenace et convaincue, il faisait de sa caméra un outil de dénonciation par la monstration des conditions d'extrême misère dans lesquelles vivent les habitants de ce ghetto parisien.
Hommage émouvant et nécessaire
Chaque cliché est senti et porte l'empreinte d'un œil fin et perspicace par lequel tout spectateur est emporté, tant dans le Paris d'antan que dans le mécanisme optique du photographe visionnaire. On retrouve les effets visuels propres à cet avant-gardisme, mais on trouve surtout un regard singulier, qui cherche à mettre en lumière l'humanité vivante, délicate et frontale, pauvre et créative.
Ainsi le Jeu de Paume nous livre une rétrospective nécessaire parce qu'elle présente un travail de l'image s’inscrivant dans une histoire de l’art plus large, mais toujours surprenante tant ses maillons se révèlent parfois très tard.
Besoin d'autres idées de sorties culturelles de qualité ? Faites un tour sur notre dossier des meilleures expositions à Paris. Et si vous êtes férus de photographie, jetez un coup d'oeil à notre sélection d'expos photos.