Rien à voir avec la réalisation homonyme d’Yves Jeuland, sortie sur nos écrans de télévision en 2015. Cet ‘Elysée’ là est, certes, lui aussi dénué de commentaires – voire de tout dialogue – mais ce n’est pas un documentaire : c’est un objet d’art. Un ovni filmographique qui fait entrer le spectateur dans une autre dimension : celle des puissants.
Inscrivant son nouveau projet – après 'SolarWind' – dans la veine de son ‘Soleil Double’, où l’astre bicéphale rayonnait de façon menaçante sur le Palazzo della Civilta Italiana de Rome, l’artiste Laurent Grasso nous propose cette fois de voyager dans une galaxie rarement explorée, la sphère intime du pouvoir français. ‘Elysée’ prend donc pour cadre spatial le Salon Doré, cabinet de travail du chef de l’Etat au cœur du Palais Présidentiel.
Gravité
Lents travellings latéraux qui effleurent les éléments de décor et zoom sur les dorures, constellations froides et éclatantes ; contre-plongée sur les stylos, satellites oubliés sur l’immensité d’un protège-bureau rouge, et musique planante… C’est bien simple, on se croirait à la Géode en train de graviter dans l'inconnu de l’Espace, l’infiniment démesuré qu’est celui de l’autorité.
Comme pour prouver que, dans l’univers, rien n’est dû au hasard, Laurent Grasso s’attarde d’ailleurs sur des détails insignifiants pour en faire ressortir le symbole sous-jacent. Ainsi, le petit soleil monarchique de l’horloge, se balançant dans le vide intersidéral au bout de son fragile pendulier, ne serait-il pas l’allégorie des décisions à double tranchant, le poids matérialisé des responsabilités ?
Objectif en orbite
Mais dans cette maîtrise froide du commandement, où rien ne dépasse et où les seuls humains visibles sont les gardes, presque meubles, d’une rigidité gouvernementale – eux-mêmes sont droits et muets, à la limite de l’inanimé – on parvient à capter un brin de réalité chaleureuse. Au travers d’une peinture qui s’écaille sur les chambranles des fenêtres ou de textes tapés à la main, raturés, corrigés, on comprend que cette terre de pouvoir n’est pas inhabitée. Et on sent bien que malgré tout, dans l’« homme d’Etat », il y a toujours une part d’humanité.
Mettant néanmoins l’accent sur la fonction présidentielle et non le Président en particulier – celui-ci étant totalement absent de l’ ‘Elysée’ – Laurent Grasso délivre une œuvre à l’image du Palais dont elle emprunte le titre : imposante mais impersonnelle.