Critique

Entrée des médiums : Spiritisme et art d’Hugo à Breton

3 sur 5 étoiles
  • Art, Dessin
  • Recommandé
Publicité

Time Out dit

De nombreux artistes se disent « traversés » par leurs œuvres, comme si celles-ci s’imposaient à eux et qu’ils n’en étaient que les passeurs. C’est même devenu un poncif, tout à fait pratique lorsque l’auteur ne veut pas s’étendre sur sa démarche ou n’a tout simplement rien à dire sur la question. Pourtant, si l’on en croit les nombreux documents rassemblés dans cette exposition, il semble bien que certains d’entre eux aient effectivement été guidés, d’une manière ou d’une autre. Ainsi, un dramaturge en mal de succès comme Victorien Sardou parvient du jour au lendemain à réaliser des gravures ou des dessins ornementaux d’une grande complexité ; Charles Hugo, fils de l’illustre Victor, commence à écrire des romans à la suite de séances médiumniques ; le médium Hugo d’Alesi se découvre, lui, des talents de dessinateur (et plus tard d’affichiste) en transcrivant des communications avec des esprits. En visitant ‘Entrée des médiums’, on se rend vite compte qu’il importe peu d’être porté ou non sur la chose ; l’exposition débute d’ailleurs sur des planches satiriques d’Honoré Daumier (séries ‘Fluidomanie’ et ‘Les Spirites’), comme pour désamorcer le sensationnel et contourner un temps le sérieux du sujet.

Des caricatures qui témoignent aussi d’un véritable phénomène de société, tant au XIXe siècle il est courant de s’essayer aux tables tournantes, ce dans tous les milieux sociaux. L’attrait pour l’occulte répond alors aux « besoins spirituels d’un siècle athée, démocrate, anticlérical et scientiste », comme le rappelle l’un des textes de présentation ; n’importe qui a la possibilité de communiquer avec Napoléon ou César, tout le monde peut désormais regarder Dieu (ou qui on voudra) en face. Pas étonnant que les artistes s’en emparent, et explorent le potentiel de la chose. Le parcours chronologique présente ainsi, des premières séances dirigées par Mme de Girardin chez Victor Hugo (alors en exil à Jersey) aux expérimentations des surréalistes, l’évolution du lien entre arts, sciences et spiritisme.

Si le sujet est plutôt original et intéressant, l’exposition se révèle inégale dans son traitement des différentes époques : Maison de Victor Hugo oblige, la masse de documents et la précision des explications concernant les « séances » auxquelles l’auteur des ‘Contemplations’ participe prend le pas sur les autres œuvres et mouvements concernés. Pire, plus on avance dans les salles (et donc dans le temps), plus les documents se font rares, les explications imprécises. Le visiteur pourra aussi regretter le parti pris purement historique, là où un peu d’analyse aurait pu ouvrir des pistes pertinentes : qu’en est-il vraiment des rapports entre spiritisme et freudisme, courants que l’on retrouve tous deux chez les surréalistes ? Quelle est la part de l’inconscient dans les réalisations « automatiques » (écriture, dessin, peinture) et en quoi s’inscrivent-elles dans la continuité de ces expériences avec les esprits ?

Reste des objets mis en scène de manière efficace (la troublante robe de mariée de Léopoldine Hugo, les moulages de mains pris en cours de séances, les transcriptions d’expériences médiumniques) et des artistes rares comme Victorien Sardou, Fernand Desmoulin, Robert Desnos et le contemporain Philippe Deloison, sur lequel ‘Entrée des médiums’ se clôt intelligemment, en écho au passé. Que l’on soit spécialiste de la question, simple amateur ou curieux, l’exposition mérite tout de même le détour, autant pour le fonds d’archives présenté que pour la volonté de rendre accessible et intelligible tout un pan obscur de l’histoire de l’art.

Infos

Site Web de l'événement
www.musee-hugo.paris.fr
Adresse
Prix
7 €
Publicité
Vous aimerez aussi
Vous aimerez aussi