1. ©Ernst Haas/Estate Ernst Haas/Courtesy les Douches La Galerie
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    ©Ernst Haas/Estate Ernst Haas/Courtesy les Douches La GalerieJune 1968: Cars outside an entrance way seen through a windscreen at nightime. (Photo by Ernst Haas/Ernst Haas/Getty Images)
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    ©Ernst Haas/Estate Ernst Haas/Courtesy les Douches La GalerieAn abstract close-up of fragmented lettering in layers of torn posters, USA, circa 1970. (Photo by Ernst Haas/Hulton Archive/Getty Images)
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    ©Ernst Haas/Estate Ernst Haas/Courtesy les Douches La GalerieA half-painted billboard advertising Winston cigarettes, on a rooftop in Times Square, New York, August 1974. The billboard is novel in that actual smoke rings are blown from the man's mouth. (Photo by Ernst Haas/Hulton Archive/Getty Images)
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    ©Ernst Haas/Estate Ernst Haas/Courtesy les Douches La GalerieA close-up of a growing cactus leaf with a thin red edge, next to one curling over, dying and losing its colour.Original Publication: Creation Book (Photo by Ernst Haas/Getty Images)

Critique

Ernst Haas : La couleur à toute épreuve

4 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
  • Recommandé
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Time Out dit

Au cœur du jeune quartier branché de Jacques Bonsergent se trouve l’étonnante galerie Les Douches installée depuis 2006 dans d’anciens bains douches de la ville de Paris. Son pas de porte art déco affiche son histoire et invite le flâneur à découvrir sa transformation. On accède à la salle d’exposition par les vieux escaliers carrelés que devaient emprunter les baigneurs pour se rendre aux douches. Au bout de la rampe en inox s’ouvre un espace clair, composite et hors du commun. On y admire en ce moment les photographies américaines de l’Autrichien de naissance, Américain d’adoption Ernst Haas, membre de Magnum depuis 1949.

Cet illustre regardeur, expérimentateur de lumières et de couleurs est mis ici à l’honneur à travers des photographies tirées de ses archives personnelles, hors de tout travail de commande. New York est largement explorée. Mais on trouve aussi des images prises en Louisiane, dans le Colorado ou bien à Paris. Autant de lieux qu’Ernst Haas a vus et observés, retranscrivant leur poétique urbanité. Empreint de l’esthétique de reportage, il s’en détache pourtant pour proposer une vision libérée, audacieuse dans l’arrachement de son objet à la réalité. Plus qu’une étrange photo à la composition maîtrisée, on est face à des parcelles de ville dont l’abstraction nous transporte. Les « crushed cans » (cannettes de métal écrabouillées par une multitude de pas) rencontrées sur le crasseux trottoir new-yorkais deviennent des sculptures à l’allure envoûtante ; les détails de la chaussée prennent vie et filent en laissant la trace de leur forme colorée ; les affiches arrachées ont l’air d’œuvres d’art épiques et fulgurantes… Ernst Haas parvient à donner une existence pleine et entière à des bribes de ville, à des bouts du décor citadin et banal, au paysage le plus primaire en somme. Son œil à l’affût non pas du sujet mais de la matière, du mouvement et de la puissante alliance de la lumière avec la couleur, capte de réels tableaux vivants dans des lieux où l’agitation de la foule et le foisonnement d’informations lumineuses brouillent le regard.

Ses photos de la ville qui travaillent la déformation de l’image grâce à sa réflexion dans des vitres ou miroirs sont aussi impressionnantes par leur puissance visuelle, d’une beauté délicate et d’une profondeur vertigineuse. Les avenues bondées du New York des années 1970 voient leur rectitude transformée et leurs hommes aux pas pressés démultipliés, l’auvent d’un magasin semble prendre feu tant son reflet capture la lumière qui l’éclaire, et le motel One a l’air irréel pris entre les rainures d’un store. Ses images tiennent du surréalisme et du rêve tout en conservant une empreinte de réel. Il s’approprie l’Amérique qu’il rencontre, celle de Wim Wenders, celle de Scorsese et celle Cassavetes. Une Amérique cinégénique, surréelle et magique. D’une poésie folle et déglinguée.

Pionnier de la couleur classique, celle du mythique Kodachrome, Ernst Haas a su témoigner de ce qu’il voyait, et donner une forme quasi picturale à son regard en s’affranchissant des normes esthétiques du photojournalisme. La petite trentaine de clichés réunis aux Douches expose simplement mais précisément l’œil chercheur et visionnaire du photographe. Ses images restent imprimées sur la rétine tant elles laissent voir une multitude d’imbrications. Et ce formidable parcours à travers ses flambantes images se termine majestueusement sur l’immensité de la Monument Valley, offerte au regard voyageur, l’invitant à se perdre dans la grandeur et la turpitude de ses méandres. Fin sublime s’il en est pour clôturer la (re)découverte d’une partie de l’œuvre riche et lumineuse de l’un des plus grands photographes des années 1980.

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