“La crise du sida ne fait que commencer”, annonce l’immense banderole au seuil de la nouvelle expo du Palais de Tokyo, qui frappe une nouvelle fois très fort pour sa nouvelle saison. Alors que Miriam Cahn déroule sa pensée sérielle à l’étage du dessus, le sous-sol accueille une quarantaine d’artistes dont les œuvres s’inspirent du VIH. Ici, le sida est moins sujet que prisme, à travers lequel on découvre de nombreux plasticiens, eux-mêmes exposés au virus.
Avouons-le, on avait un peu peur en commençant le parcours. Peur du pathos, peur du mauvais traitement de la maladie, peur du “sensationnalisme”. Mais le commissaire François Piron nous délivre une expo qui frôle la perfection. Allant bien au-delà d’une simple chronologie sur le sida, Exposé.es permet de faire cohabiter des œuvres aussi militantes que sensibles, qu’elles soient réalisées par des artistes emblématiques des années 80-90 comme Hervé Guibert, Félix González-Torres, Nan Goldin, ou par de jeunes plasticiens comme Benoît Piéron ou Lili Reynaud-Dewar, dont le travail protéiforme inaugure l’exposition. Certaines pièces ont même carrément été produites pour l’occasion, comme celle de la Canadienne Moyra Davey qui dénonce le système de santé (complètement foireux) des Etats-Unis.
Si le bouquin de Lebovici (Ce que le sida m'a fait) était centré sur son parcours, l’expo, elle, se demande ce que cette maladie a fait aux artistes, mais aussi à la société. On parle du sida, certes, mais surtout de politique, d’intimité, d’amitié, d’amour. L’expo, d’utilité publique, nous prouve qu'au-delà des virus, le savoir et la tolérance aussi se transmettent.