La légende dit qu’il a acheté son premier appareil photo pour draguer les filles. Bon, d’après lui, ça n’a pas marché. Heureusement, la photo a autre chose à lui apporter, et l’Italien d’origine capte si vite les rouages de son nouveau médium qu’il en fait sa profession. Décédé en 2020 à l’âge de 92 ans, cet éternel jeune homme fait l’objet d’une énorme expo monographique au Jeu de Paume, qui revient sur son rapport avec Paris, la presse et la mode entre 1950 et 1965. Et comme à son habitude, le temple de la photo fait ça avec autant d’élégance que l’artiste qu’il célèbre, reprenant les codes couleurs de Frank Horvat dans une scéno en noir et blanc ponctuée de quelques pops de couleurs.
Silhouettes à taille de guêpe, danseuses de cabaret et célébrités incognito, les quelque 250 tirages exposés dans un accrochage millimétré témoignent certes de l’amour d’Horvat pour les femmes. Mais ils prouvent surtout que, même dans la photo de mode ultra-léchée et codifiée, il peut y avoir de la place pour de l’instantané. Il faut dire que l’ancien photojournaliste n’est pas très branché studio ; il négocie même pour garder son petit Leica de poche et capturer les grands mannequins dans la rue, dans le métro ou en terrasse. Ben oui, ce n’est pas parce qu’on a des jambes d’1,20 m qu’on n’est pas comme les autres !
C’est probablement ce souci du naturel qui fait la force de ses clichés. Contrairement à son pote Helmut Newton, le roi de la mise en scène, Frank Horvat refuse de mystifier les mannequins et de les rendre inaccessibles. Il trouve la beauté dans tous les gestes du quotidien. Peut-être est-ce pour ça qu’au début des années 60, il claque la porte de Vogue et Harper’s Bazaar pour sublimer le trash, se rendant à Pigalle pour photographier les prostituées ou les strip-teaseuses du Sphinx.