Critique

Gilbert Peyre

4 sur 5 étoiles
Un freak-show mécanique, extravagant et poétique
  • Art, Art contemporain
  • Recommandé
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Time Out dit

Approchez, approchez ! Venez voir l’étrange manège – ou manège de l’étrange ? – qu’est l’univers de Gilbert Peyre. De retour à la Halle Saint-Pierre après une première monographie en 2000 – et un passage par l’actuelle exposition ‘Persona’ au Quai Branly –, ce surréaliste des installations métallo-organiques, ce Dali de l’automate, nous propose un nouveau voyage. A mi-chemin entre le spectacle « vivant » et l’art contemporain.

Terreur nocturne mais comique rassurant

Au rez-de-chaussée, dans une salle circulaire nimbée de pénombre, un tricycle d’enfant monté sur rail vient à notre rencontre. Un accueil à la ‘Shining’ qui donne des frissons mais pas l’envie de fuir. Intrigué, quasiment envoûté, on engage donc la visite au son d’un brouhaha nerveusement titillant. Ca tape, ça crie, ça gémie, ça grésille. Comme dans une fête foraine. Ou plutôt une maison hantée où les habitants s’animeraient les uns après les autres.

On croise ainsi une femme sans tête remuant langoureusement son bassin orphelin de corps. Sa petite culotte en coton, sensuelle : est-ce une parade nuptiale ? A côté, un homme-orchestre invisible joue, quant à lui, de la guitare acoustique sur une chaise en bois fatiguée. Puis une caravane en fer-blanc – avec une figure d’ours en peluche semble-t-il, mais le manque de lumière insinue en nous le doute –  passe en crachant un chapelet de centimes avant de disparaître derrière un rideau de bouchons et de bouteilles de vin. Ou encore un abat-jour se prenant pour une danseuse, apparition spectrale au visage de poupon coupé dans la hauteur et avec une assiette plate en faïence pour couvre-chef, se meut devant nous.

En tant que pédiophobe, on s’éloigne gentiment, sans lui tourner le dos. Car tel est aussi le but de cette exposition : jouer à se faire peur, surtout dans l’angoissant silence qui se fait entendre une fois tous les mécanismes à l’arrêt. A cet instant, on en viendrait presqu’à discerner des murmures dans le noir. Heureusement, pour expérimenter la folie douce sans verser dans la paranoïa, la plupart des œuvres de Gilbert Peyre usent d’un humour salvateur. A l’image de cet aquarium où flottent machinalement des boîtes de sardines.

Un vrai travail de fer-fèvre

Le parcours se poursuit à l’étage, dans un espace blanc et lumineux qui donne tout de suite aux créations un air moins intimidant. Et c’est là que tout le génie du plasticien loufoque se révèle au grand jour. De ‘Johnny be Good’, insufflant la vie à de simples vêtements pendus mollement sur des cintres pour les métamorphoser en un couple dansant le rockabilly, à ‘J’ai froid’, réminiscence d’un AVC, mettant en scène un crâne de cerf, emmitouflé dans un manteau de fourrure et marchant pesamment sur une neige de verre et de gravats, Gilbert Peyre nous démontre toute l’implication temporelle et personnelle de son travail. S’inscrivant ainsi comme un maître dans l’art du recyclage, de matériaux comme d’expériences.

Et pour les visiteurs qui se sentiraient anxieux à l’idée de déambuler seuls au milieu de ces êtres hybrides si particuliers, qu’ils se rassurent : les courageux mécaniciens, actionnant toute la journée ces androïdes personnifiés, apportent une présence humaine salutaire. Comme un repère terrestre dans cette stratosphère onirique. 

Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris

Infos

Site Web de l'événement
www.hallesaintpierre.org/
Adresse
Prix
8,50 €
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