Critique

Grand Trouble

5 sur 5 étoiles
A la fois exposition et naissance d’un mouvement, le Grand Trouble qui s’abat sur la Halle Saint-Pierre ne laissera personne indifférent.
  • Art, Art contemporain
  • Recommandé
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Time Out dit

Né d’une suite de rencontres et d’échanges entre quarante-sept artistes, ‘Grand Trouble’ s’expose pour la première fois à la Halle Saint-Pierre et présente des œuvres aussi variées qu’étranges, aussi différentes les unes des autres que déroutantes en elles-mêmes. C’est donc le hasard et l’amitié qui ont réuni en ce lieu les dessins en noir et blanc de Frédéric Pajak et ceux de Joël Person, les jeux de texture d’Alain Frentzel et ceux de Jérôme Cognet, les photographies funèbres de Jean-Michel Fauquet et celles d’Edith Dufaux…

Quelque part hors du temps, loin des objets familiers et de l’actualité, les œuvres de l’exposition questionnent le monde qui nous entoure sans le pointer du doigt. Le visiteur, inquiété, suit un parcours sinueux dans le clair-obscur de la première salle et plonge dans un spectacle métaphorique.

« d-éther-iorisation » généralisée

Des formes informes aux visages dévisagés, chaque sculpture, chaque photographie, chaque dessin indique à sa manière l’existence d’une angoisse partagée. Mais, et c’est peut-être là l’origine du trouble, impossible d’identifier la source du mal-être. ‘Grand Trouble’ ne reproduit pas plus le goût d’une époque que le dégoût qui anime notre être au monde.

A propos du mouvement littéraire romantique, Maurice Blanchot écrivait : « Il est l’époque où toutes se révèlent, car, par lui entre en jeu le sujet absolu de toute révélation, le "je" dans sa liberté, qui n’adhère à aucune condition, ne se reconnaît dans rien de particulier et n’est dans son élément – son éther – que dans le tout où il est libre. » Dans cette pièce sombre de la Halle Saint-Pierre, les œuvres semblent avoir été rassemblées sans aucun autre souci que celui d’exprimer une « d-éther-iorisation » généralisée.

(Re)naissance de l’art contemporain

On tâtonne cependant vers l’appropriation de ce sentiment diffus et, sans trop s’en rendre compte, on s’y abîme. L’exposition s’organise en une déambulation émotionnelle, en une expérience de spectateur presque cathartique. Les entités composites et les réalités médiocres sont toutes également mises à l’honneur dans une trajectoire commune : exorciser le trouble. En ce sens, le caractère expérimental de cette exposition n’échappera pas non plus aux visiteurs : des jeunes artistes à ceux qui nous ont quittés, la divergence des styles est frappante. Là où le pathos semble avoir été banni, l’on est tantôt piqué à vif par l’étrangeté des sculptures de Pavel Schmidt, tantôt engourdis par l’atmosphère extra-terrestre qui se dégage des météorites de Matthieu Gounelle et des météores de Chantal Petit.

La chorégraphie de nos malaises se poursuit à l’étage. Et si le monde semble s’appesantir un peu plus sur nos épaules avec les mots de Julien Magre, les œuvres d’Alexandra Roussopoulos touchent à l’indicible et frôlent nos incertitudes avec douceur. Mais les couleurs réconfortantes d'Al Martin et de Thomas Kaniok continuent de mettre à mal nos repères. Le sillon de nos interrogations se creuse. Comme à une voix, les jeux optiques, les univers hybrides et les traits d’humour noir donnent une tonalité – celle de la disharmonie et de la dissonance –, et ignorent les sirènes de la plainte. C’est que, de l’intuition à la dénonciation politique, du tremblement à la secousse, ‘Grand Trouble’ fait bouger le sol sous nos pieds et nous met sur la voie de ce que pourrait être, aujourd’hui, un mouvement artistique...

Infos

Site Web de l'événement
www.hallesaintpierre.org/
Adresse
Prix
De 7 à 9 €
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