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Critique

Henry Darger

4 sur 5 étoiles

Tout fou tout flamme, l'art troublant de l'artiste « outsider » s'expose au MAM.

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Time Out dit

De la vie de Henry Darger, on ne saura jamais grand-chose. Une existence monotone et discrète, celle d'un petit employé subalterne noyé dans la grande ville de Chicago. Jusqu'à ce que l'on découvre en 1972, quelques mois avant sa mort, une œuvre démentielle, inversement proportionnelle à l'insignifiance que l'on prêtait à ce petit vieux au bord de l'indigence. Profondément marquée par la religion chrétienne, mais aussi par sa fascination pour la météo et les incendies, l'œuvre de Darger baigne dans un déstabilisant mélange de tendresse et de violence, entre les enfers de Bosch et la fausse ingénuité du 'Magicien d'Oz'. Derrière la guerre sanglante que se livrent des armées impitoyables, l’Américain donne corps à un combat féroce entre enfance et âge adulte. Parfois de manière explicite, lorsque des Glandeliniens éviscèrent des bambins ; parfois plus implicitement, lorsque ses héroïnes colorées et fleuries affrontent les forces noires d'hommes virils, aux airs de militaires ou de professeurs. Une expression inquiétante, à la limite du cauchemar pathologique, qui a fait de lui l’un des symboles de ce que l'on appelle, avec une certaine condescendance, « art brut » ou « art outsider ».

Montée à la suite d'un don de 45 œuvres au musée d'Art moderne, l'exposition donne un bel aperçu de l'extraordinaire monde que s'est bâti Henry Darger, et auquel il donne vie avec la précision d'un entomologiste et la rigueur d'un historien. Ici, tout est pensé, scénarisé, expliqué : Darger cartographie les batailles, imagine les drapeaux de chaque nation, fait les portraits de tous les personnages, décrit méticuleusement les étranges créatures que l'on croise dans son épopée. Et c'est bien ce qui est fascinant chez cet artiste inclassable : le réalisme minutieux qu'il imprime sur sa délirante fantasmagorie, au point d'accoucher de presque 25 000 pages de littérature et d'autobiographie, et de plusieurs centaines de peintures ou dessins racontant notamment la croisade des jeunes Vivian Girls contre leurs cruels ennemis.

Du collage qui imprègne son œuvre fondatrice, 'La Bataille de Calverhine', à ses décalques (qu'il pioche dans la presse, les bandes dessinées ou les documents qu'il accumule sur la Guerre de Sécession ou la Première Guerre mondiale), l'univers détraqué de Darger se nourrit tellement du nôtre qu'il en devient presque une sorte d'écho déformé et très troublant. Un peu comme lorsque l'on reconnaît le portrait officiel de Guillaume II derrière les traits du plus terrifiant général ennemi, c'est la cruauté de notre société et son application à écraser ceux qui ne rentreraient pas dans le moule qui semblent s'esquisser derrière cette outrance merveilleuse, et éclatante de couleurs.

Du mardi au dimanche de 10h à 18h.

Infos

Site Web de l'événement
mam.paris.fr/
Adresse
Prix
De 3,50 à 5 €
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