« Hey ! » Une onomatopée qui hèle et interpelle. Trois lettres et une syllabe qui résonnent dans le creux de l'oreille et auxquelles il est difficile de résister : « Hey » comme hétéroclite. « Hey » comme hédonisme. Mais surtout « Hey » comme hématome. Car cette exposition est un uppercut d'art brut. Un choc de beauté baroque qui nous envoie au tapis, groggy mais ravi.
Cohérence et cohésion
C'est d'ailleurs le quatrième round pour 'Hey !' Après trois passages successifs par la Halle Saint-Pierre (en 2011, 2013 et 2015), Anne et Julien – fondateurs de la revue éponyme qui, depuis 2010, se révèle être une mine de pépites et de découvertes artistiques internationales – ont cette fois décidé de poser leurs malles pleines de trésors en galerie. Mais pas dans n'importe quelle galerie : celle de Laurent Zorzin et Effi Mild, l'Arts Factory. Une association qui coule de source tant les deux couples se retrouvent sur bien des plans, humains comme professionnels. L'Arts Factory et Hey !, deux entités de référence dans le monde des arts graphiques outsider pop et underground, se sont en effet donné pour mission de promouvoir une génération de créatifs auxquels les marchands d'art et les foires n'ont pas encore osé ouvrir leur portes. A tort…
Et à ceux qui pensent qu'en ayant déjà vu l'exposition de la Halle Saint-Pierre, ils peuvent se dispenser de faire un tour par la rue de Charonne, qu'ils se ravisent : les plus de deux cents œuvres de presque quarante artistes venus de treize pays différents qui s'exposent à l’Arts Factory – sans toutefois surcharger l'espace, prouesse due à l’agencement et la scénographie brillamment orchestrés par l’hôte Effi ! – sont toutes inédites. Et pour cause : le vivier d'art de Hey ! semble inépuisable.
Une force centrifuge à l’esthétique ésotérique
Privilégiant majoritairement les œuvres papier afin de coller au concept fondamental de leur galerie d'accueil, Anne et Julien présentent ainsi des talents uniques, multiples et complexes. La magie de cette expo réside en outre dans cette diversité de techniques, de thèmes et de tons. On y trouve de l'humour noir avec les pilules dystopiques de Dana Wyse et les dessins moquant les magnats de l’industrie d'Aleksandar Todorovic. De l'étrange voire de l'horrible dans les « chronographies » de Horst Haack où des métamorphes, hybridations malsaines entre l’homme et l’animal, sont mis en scène dans des paysages à la douceur pastorale. Des tempuras gotico-anatomiques de Daniel Martin Diaz aux miniatures d’acrylique fourmillant de détails par Loïc et Stéphanie Lucas, on croise également du réalisme macabre et du surréalisme clinquant. Quant aux dioramas sous cloches de Muriel Belin et au naturalisme pictural de Martin Wittfooth – dont le sublime paon fleuri ne perd pas en délicatesse, même perché sur une bouche d’égout –, ils titillent savamment notre idée préconçue du beau.
En somme, les artistes présentés ont tous leur univers propre et celui-ci trouve entièrement sa place dans la galaxie 'Hey !', sorte de nébuleuse astrale où gravitent une nuée d'électrons libres pour former un tout invitant à oublier, un temps, les desiderata terrestres. Qu’il s’agisse du genre cartoonesque (incarné par Dave Cooper ou Mark et Vaughn Bodé), du tatouage (avec Mike Davis), des posters rock ou de l’art chrétien teinté de motifs nippons (par Mikael de Poissy), la proposition est si vaste que chaque spectateur y trouvera donc son compte. Et même ses comptes, au vu des prix souvent plus qu'abordables de certaines productions originales. Car l’autre volonté affirmée par Anne et Julien entend rapprocher ceux qui font l'art et ceux qui l'assimilent.
Et si, en fait, « Hey ! » était plutôt le diminutif du mot « héraut » ?
Coup de coeur du moment, l'expo Hey ! fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris. Et en plus elle est gratuite, comme bien d'autres à consulter ici !