Voilà un appartement qui ferait florès sur le marché de l’art plus que sur celui de l’immobilier. Au numéro 34 de la rue du Dragon, dans un petit deux-pièces du troisième étage, huit virtuoses de la scène urbaine font cohabiter leurs styles et leurs médiums pour transformer les lieux en une œuvre immersive. Du sol au plafond en passant par les fenêtres, de l’entrée jusqu’aux toilettes : aucun centimètre carré n’a échappé aux assauts de leurs coups de pinceaux – sauf exception pour la jeune mais talentueuse Maite Sant, qui a sciemment épargné le plafonnier.
Le respect : la clé d’une coloc' soudée
Chaque artiste a en effet pu choisir son espace de création pour laisser libre cours à son imagination, en l’aménageant à sa guise. D’une pièce à l’autre, on retrouve donc l’essence du travail de Dacruz, ses masques métamorphiques débordant sans complexe sur les vitres et baignant la salle d’une chaleureuse lueur ; de Marko 93, son guépard au regard pénétrant et ses coulures dégoulinant des moulures, arabesques rappelant ses propres calligraphies ; ou encore les illusions d’optique d’Astro faisant face à l’installation chaotique de Katre, mêlant gravas, néons rouges et barres de fer sur lesquelles on évitera de s’empaler. Cependant, la magie de l’endroit réside dans le fait que tous ces genres se croisent dans le couloir, se frôlent dans les chambres ou s’associent au gré de la balade. Les collages en noir et blanc du photographe Nicolas Giquel, ne cédant pas à la banalité de l’accrochage, pénètrent ainsi l’intimité de M93 sans la déranger. De même qu’ils côtoient les dessins et croquis singuliers de Maite sans empiéter dessus. De bons rapports de voisinage qui forgent toute la cohérence de cette communauté artistique, en somme.
Après la visite de cet appartement improbable, inhabitable mais admirable, n’oubliez pas d’effectuer une contre-visite à la galerie du Loft du 34. Là, l’exposition se poursuit avec une série de tableaux originaux des artistes participants à ce ‘Home Staging’. Des miniatures en 2D, échos aux œuvres précédemment observées, pleines d’humour et de poésie. A l’image du ‘Fifty shade of spray’ de Xare. La projection d’une courte vidéo time-lapse retraçant les trois mois de labeur de cet octuor permet également de se rendre compte de la charge créative qu’a généré cette expo hors-norme. Qui, paradoxalement, ne vous donne plus envie de rentrer à la maison.