Sur le trottoir de la rue de Ponthieu, une Tina Turner monumentale nous accueille, libre et rayonnante dans sa robe Azzaro. Un cliché XXL en noir et blanc qui annonce la couleur dès le seuil de la galerie Gagosian. Car une fois ses portes franchies, c’est un vrai parterre d'icônes qui nous attend, posant (ou non) devant l’objectif du grand Richard Avedon, décédé il y a vingt ans.
Inaugurée à l’occasion de la semaine de la haute couture (malin), l’exposition rassemble certains des clichés les plus emblématiques de ce grand nom de la mode passé par les colonnes de Vogue ou du Harper’s Bazaar. Dans un white cube dépouillé où résonne le bruit de nos talons, des prises de vues, majoritairement bichromatiques, retracent la carrière du photographe, entre spontanéité et attitudes étudiées. Car s’il a fait ses armes (sans mauvais jeu de mots) pendant la Seconde Guerre mondiale en tirant le portrait de ses camarades soldats, Richard Avedon tient à insuffler un peu de ce naturel, de cette naïveté, au monde très codifié de la mode. Avec lui, les modèles sont en mouvement, photographiés dans la rue pour la première fois, là où ils étaient auparavant contraints au studio. La mannequin Dovima fait ainsi la moue entourée d’éléphants quand Brigitte Bardot s’illustre floue, imparfaite et si belle.
Si la scénographie très minimaliste signée Cécile Degos rend hommage au goût pour le noir et blanc du photographe (notamment à travers le mur du fond peint couleur charbon pour y présenter une série dédiée à Marilyn Monroe), la deuxième salle de l’exposition ajoute un peu de peps à l’ensemble. Des portraits sérigraphiés façon Warhol des Beatles et des vitrines “behind the scene” confèrent un peu de relief à l’expo. Enfin, l’étage – annoncé par la magnifique robe Dior de 1955 portée par Dovima – rassemble des travaux plus personnels et moins fashion du photographe, dont le portrait saisissant de l’apiculteur Ronald Fisher, nu et couvert de guêpes. Iconique.