Le Nôtre et ses bosquets. Monet et ses nymphéas. Edouard aux Mains d’Argent et ses sculptures sur buis. On le sait depuis longtemps : l’art se conjugue en vert forêt et en terre de Sienne. Il pousse comme une pâquerette sur un coin de pelouse. Bref, il crée des jardins harmonieux pour mieux les peindre ensuite. Illustrer cette relation féconde entre art et jardins, tel est donc l’objectif de la vaste exposition présentée par le Grand Palais en ce début de printemps.
Allons voir si la rose
« Un jardin, à mes yeux, est un vaste tableau. Soyez peintre », nous dit le poète Jacques Delille. Soyons d’abord observateur, tout au long du parcours (tortueux) que nous propose le musée. Ici, une collection de terres de vingt couleurs différentes, réunies en carrés comme sur un nuancier Pantone. Là, un délicat magnolia saisi par Man Ray au zénith de sa floraison. Plus loin, des sculptures de champignons géants faites en résine translucide parfaitement angoissante.
On s’attendait à des peintures… Ce sont d’abord des textures que nous présente le musée, histoire de nous rappeler la sensualité d’un jardin. Humez, palpez (de loin), noyez-vous dans les crevasses violettes d’un iris épanoui. Les herbiers abondent et les bottes de caoutchouc s’alignent sur une étagère. Le message est clair : tout commence par la matière et le travail manuel du jardinier. Le reste n’est qu’heureuse fioriture. De l’italien « fiorire », fleurir.
Jardins à la française
Après ce voyage dans l’organique, place à l’idéal : d’immenses tableaux de jardins Renaissance. Vues de haut, les allées de Fontainebleau révèlent leur élyséenne géométrie. Les bassins carrés de Glisolles (Normandie) reflètent les nuages et les anges. L’éden de Sceaux nous apparaît comme un paradis d’harmonie conquis sur la forêt environnante. Mise en ordre ultime qui reflète la pensée du siècle : la Renaissance a renoué avec les proportions antiques, et les Lumières approchent.
Plantes d’intérieur
S’ouvre alors la plus belle partie de l’exposition, celle pour laquelle on ne regrette pas l’attente : quelques salles réservées à la peinture des XIXe et XXe siècle sur le thème du vert et de la fleur. Bonheur. Un vieux jardinier peint par Cézanne, tout en nuances d’ocre et de bleu, dont la sagesse terrienne respire avec une simplicité stupéfiante. Un arbre de rêve exécuté par Klimt, dont la gigantesque ramure impressionniste absorbe tout autre désir. Un jardin peint par Monet au cœur de l’été. Quelques plaisanteries botanico-ontologiques de Magritte. Un curieux nu de Picasso mis au cœur d’un jardin, dont la forme souple témoigne d’une vie, mais dont l’absence de membres évoque une sorte de mort.
Car tout est là dans un jardin, nous renseigne l’exposition : vie et mort s’y équilibrent dans une harmonie magnifique. « La plante présente aux yeux spirituels un étrange vœu de trame universelle », écrit Paul Valéry. Dans la trame sensible du jardin, le promeneur trouve donc une forme de chemin vers le tout.