On passe au travers d'un double-rideau noir au gros velours sensuel et légèrement inquiétant. Derrière, le sol est fait de poussière d'étoiles filantes. Mille paillettes pour nous accueillir dans le cabinet de curiosités de Jean-Luc Verna. On n’en attendait pas moins comme décor de la part de celui qui a fait de son corps un champ d'expérimentations. Et de son imaginaire un allié ailé.
Etonnant et diablement déconcertant
Tatouées de la moustache jusqu'aux cuisses, les lignes de son corps trapu et hors-genre évoluent au fur et à mesure de sa pratique artistique car elles en sont les premiers sujets. Vidéos, photos, performances, dessins, Jean-Luc Verna s'approprie ce corps massif qu'il met en scène et modèle dans une perspective d'exploration de nos vanités, de confrontation de notre mortalité et d'interrogation de nos croyances. Il est un et mille personnages en même temps, la grande faucheuse et le macchabée, le meneur et le danseur, l'anarchiste et le fétichiste…
En recréant son propre univers esthétique fait de blousons noirs, de talons aiguilles, de visages moyenâgeux, de crânes de pacotille et de veillées funèbres, l'exposition nous fait rencontrer in situ la puissance et l'ambivalence de son œuvre. Ultra-baroque et fastueux dans la performance de la rencontre avec un démon, l'art de Jean-Luc Verna frôle parfois la science-fiction. La ligne de ses dessins nous fait perdre la tête tant elle est longue et pleine de créatures au chant de sirène fascinant mais mortel. Elle guide nos pas, qui parfois chancellent, lorsque notre regard s'extrait de la contemplation vertigineuse de drôles d'objets de verre, ou de ‘Vases de misère’. Et, dans son individualité si forte, Jean-Luc Verna parvient quand même à entrer en résonance avec une multitude d'histoires, de mythes et de personnages. C'est là toute la beauté de sa complexe proposition.
Des limites attirantes par leur pouvoir transcendant
Parce qu’elle nous fait pénétrer un univers hors norme, iconoclaste, fait de réappropriations et de mythes mâchés, digérés, la rétrospective que consacre le Mac Val à l'artiste le plus queer, punk et gothique de sa génération est à la fois un hommage et une expérience. Véritable immersion au cœur des fantasmes, fétiches et autres créations de l'artiste, l'exposition nous englobe totalement dans son obscurité envoûtante mais étrange, sa bande son dark et enlevée, sa disposition sobre et débordante. Autant de contradictions et de lignes de force dont l'art de Jean-Luc Verna est pétri.
Particulière mais tellement percutante, cette exposition rend visibles toutes les obsessions de Jean-Luc Verna et la manière dont il vit avec, en en faisant tout un monde, peuplé d'êtres à la vie intérieure riche. Audacieuse mais ouverte et tournée vers le visiteur, cette rétrospective dérange autant qu’elle enthousiasme. Par conséquent, elle mérite d'être vue et surtout ressentie.
Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris