Non, vous ne rêvez pas, sa moustache frétille encore ! Tout au moins dans les planches du fameux auteur de BD Joann Sfar, papa du philosophique ‘Chat du Rabbin’. A travers plus de 200 dessins, exposés à l’Espace Dali jusqu’au 31 mars prochain, ce dernier invoque l’art pour réveiller le Maître d’entre les morts. Et si le dessinateur a choisi le peintre ce n’est pas par hasard : à une époque où les polémiques religieuses se multiplient, « la confiscation du sacré par Dali me paraît salubre », explique-t-il.
Errance onirique
Innovante par sa mise en scène, l’exposition fait des allers-retours entre ces deux poètes de l’irréel, mêlant la fable et la contextualisation. Dans un dédale enchanté, composé des œuvres du peintre surréaliste et des créations haute-couture de la Maison Schiaparelli avec laquelle Dali collabora souvent, Joann Sfar nous raconte en effet une histoire fantaisiste. Celle d’un artiste enfermé plusieurs jours dans un manoir avec quatre top-modèles nues, censées reproduire les tableaux les plus célèbres du génie espagnol. Et ce dans le but de lui redonner vie, lui qui a été cryogénisé. Un récit en noir et blanc, désossé et pourtant lisible dans le désordre, favorisant l’errance onirique.
L’abscons propice à la réflexion
Ce conte dessiné donne donc, si ce n’est une interprétation, au moins une autre dimension aux œuvres de Dali. Pour cause : l’obligation de déchiffrer les textes de Joann Sfar pousse à regarder différemment et plus longuement les peintures abstraites dont ils font mention. On voyage ainsi dans son monde baroque et faussement grotesque, sur lequel vient se greffer l’univers tout aussi songeur et interrogateur de Sfar. Ou quand le lunaire permet d’avoir des réflexions très terre-à-terre sur la spiritualité ou les exactions de notre temps.
D’ailleurs, les divers degrés de lecture de cette exposition-tandem, un brin extravagante, la rendent accessible à tous les publics. Pas besoin d’avoir 150 de QI pour cerner la plupart de ces subtilités : même les plus petits sont conviés à y aiguiser leur fibre artistique. Car la nudité esquissée par Sfar n’a rien d’obscène et les silhouettes des quatre « ingé-nues » totalement dénuées d’érotisme. Sauf lorsque, enfin, les demoiselles se rhabillent : un amusant paradoxe, témoignage d’un formidable cynisme partagé par les deux artistes.
Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris