Critique

Kopfkino

4 sur 5 étoiles
Virée graphique et intime dans le Q.G. berlinois de Jean Leblanc et Miam Miam.
  • Art, Dessin
  • Recommandé
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Time Out dit

Kreuzberg. Avec son nom guttural qui fait penser à une marque de bière, ce quartier allemand n’a, semble-t-il, rien d’une destination paradisiaque. Et pourtant, vous ne regretterez pas l'expatriation visuelle proposée par la SLOW galerie, d’autant qu'elle ne vous coûtera rien !

Des tableaux comme des instantanés de touchants petits riens

A travers les sérigraphies artisanales de Miam Miam (alias Julie) et de Jean Leblanc (alias... Jean), on s'immerge sans faux-semblants dans Berlin (leur ville d'adoption). Loin des guides touristiques qui enchaînent les clichés, on parcourt un album souvenirs élaboré à quatre mains, peuplé de scénettes de vie la quotidienne croquées dans leur plus pure simplicité, avec authenticité mais technicité. Des polaroïds de tous les jours, pris sur le vif, à l'image d'un moineau voleur de saucisse. Mais aussi des anecdotes – par exemple ce renard, rencontré un soir dans la rue, par hasard –, des détails évocateurs et des annotations dessinées comme on en coucherait dans son carnet de voyage. En témoignent cette nature morte à la palette bien vivante, représentant les fraises cultivées dans la région ; ces encombrants négligemment abandonnés sur le trottoir ; ce lierre courant sur un grillage... Ou encore ce cornichon épicé qui accompagne immanquablement les apéros de nos voisins germains, volant dans un espace interstellaire comme une fusée à l'aspect tendancieux, magnifié par l'immensité du vide qui l'environne.

Deux visages, deux visions en adéquation

Si le tandem Julie/Jean est un duo formé à l'occasion de l'exposition, il n'en demeure pas moins incroyablement complémentaire. Bien que les œuvres des deux artistes ne peuvent en aucun cas être confondues – Jean Leblanc ayant une approche plus photographique, attaché à des angles particuliers et à l'aspect végétal de Kreuzberg, tandis que Miam Miam préfère les plans fixes et l'animalité dégagée par le lieu –, elles se conjuguent à merveille. Une faune et une flore essentielles qui dressent ensemble un portrait presque exhaustif de la ville.

Car si les deux amis se retrouvent sur certains thèmes, la façon dont ils traitent leurs sujets n'a rien de semblable. Jean s'est ainsi concentré sur les habitants, posant un œil observateur sur des êtres atypiques et fascinants bien qu'étrangement teintés de solitude. Même en groupe, aucun ne se regarde car aucun n'a d'yeux. Ils sont comme des silhouettes formées d'aplats de couleurs géométriques, singulièrement insondables et pourtant lumineux. Julie/Miam Miam, quant à elle, développe un bestiaire bigarré, empreint à la fois de légèreté et de puissance. Qu'il s'agisse d'un papa, personnifié en pingouin, portant son petit contre son ventre pour le protéger du froid, de l'ours berlinois faisant du vélo, ou d'écureuils farceurs sautillant entre les tombes d'un cimetière, tenant compagnie à des fantômes aux expressions cartoonesques pour dédramatiser l'aspect morbide de l'endroit, l'humour s'insinue dans chaque trait, piquant au cœur telle la mine d'un crayon. Et si votre organe n'a pas encore chaviré, attendez de lire le poème de Julie ou de tomber nez à nez avec le mur de Berlin traversé par une meute cosmopolite, message à forte résonance symbolique...

Alliance de la douceur de vivre et du poids de l'Histoire, les œuvres de Jean et Miam Miam sont donc à l'image du Berlin qu'ils dépeignent. Et nous, on a bien envie de s'y perdre.

A noter, si vous cherchez d'autres endroit où voir de l'art à Paris, que nous avons concoté pour vous une sélection d'expos gratuites, ainsi qu'un dossier répertoriant les meilleures expos de la capitale

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