Le souci avec les rétrospectives sur les studios Disney, c’est qu’elles soulignent que nous sommes vieux. L’avantage, cependant, c’est qu’elles montrent que, dans notre tête, nous ne le sommes pas tant que cela. La preuve : on retrouve notre candeur devant un extrait du ‘Roi Lion’ ou des ‘101 dalmatiens’. Par conséquent, on ne se mentira pas en disant qu’on emmènera nos enfants/petits-enfants/frères/neveux/cousins au musée Art Ludique SURTOUT pour faire une cure de jouvence. Même si on partagera quand même un peu notre plaisir avec cette jeune génération de disneyphiles !
De Mickey à la 'Reine des Neiges', d’anecdotes en découvertes
Maître de la contextualisation, le musée Art Ludique débute toujours ses expositions par une présentation de l’œuvre qui marqua la genèse du studio d’animation évoqué. Ici, en l’occurrence, la production qui posa la première pierre de l’édifice Disney est ‘Steamboat Willie’ – dont l’inimitable sifflement sonna le glas de l’ère muette. Ouvrir le parcours avec l’œuvre initiale (que ce soit pour Disney ou précédemment Blue Sky et Pixar) semble en effet devenu la façon de faire récurrente du lieu. Mais avant d’incriminer sa muséologie de redondance, on admet que s’attaquer à un aussi gros morceau que Disney, créateur de rêves depuis presqu’un siècle, demandait de commencer par le commencement.
On évolue donc dans l’univers merveilleux des studios de Burbank de manière chronologique, des esquisses artisanales de Mickey Mouse et sa bande aux dessins préparatoires numériques de l’incontournable ‘Reine des Neiges’. Petits et grands gourmands peuvent aussi saliver devant la maquette en sucreries servant de décor au film ‘Les Mondes de Ralph’ (2012) ou percer les secrets de fabrication 3D de la chevelure de Raiponce (2010) ou de 'La Petite Sirène' (1989) grâce à des vidéos d’illustration inédites.
Autant de documents inédits permettant de constater que, malgré les progrès techniques adoptés ces dernières décennies, les studios Disney ont su conserver leur principe naturaliste. Celui qui pousse ses dessinateurs à observer le monde pour en restituer les mouvements réalistes. Car, comme le dit si bien le fondateur des studios, Walt Disney lui-même : « On ne peut pas faire de choses merveilleuses basées sur le réel à moins de connaître le réel. »
Le talent de conjuguer réalisme, fantastique et abstraction
Saisir le moindre détail de son environnement pour en faire un univers à la fois fabuleux et familier : tel est d’ailleurs l’angle sous lequel le musée Art Ludique aborde ici l’ensemble de l’œuvre disneyenne. On découvre ainsi des photographies de Walt Disney et ses équipes passant des heures à regarder un faon gambader pour capturer le moindre de ses élans et les imiter dans ‘Bambi’. Ou encore élaborer des calculs savants et détaillés sur l’éclatement d’une bulle pour la reproduire dans la scène volcanique de ‘Fantasia’. Des dynamiques qu’ils devaient dessiner au stylo sans possibilité de gommer afin d’en livrer l’essence brute.
Ces secrets de tournage et ces anecdotes qui nous offrent d’admirer les courts-métrages de notre enfance sous un autre point de vue. Avions-nous vraiment fait attention, à 4 ans, à la dimension abstraite, voire surréaliste de Dumbo, hallucinant des spectres éléphantesques après avoir bu de l’eau contaminée ? Etions-nous totalement conscient de la complexité des premiers Disney, notamment 'Blanche-Neige', filmée en caméra multiplane ? Une prouesse pour l’époque (1937), possible grâce à des génies visionnaires. Car le papa de Mickey n’était pas seul aux commandes, loin de là.
Y a pas que Walt Disney dans la vie…
… Y a ses équipes aussi ! Et c’est là le bon point majeur que l’on pourrait attribuer à l’exposition des Arts Ludiques : ne pas avoir oublié les hommes et les femmes de l’art qui œuvraient dans l’ombre du grand patron. L’aspect précurseur des films d’animation Disney se révèle (et demeure encore aujourd’hui) porté par un collectif d’artistes plus que de techniciens, et non par Walt seul. On s’en rend bien compte en parcourant les aquarelles de Mary Blair pour le court-métrage injustement méconnu ‘Saludos Amigos’ ; les croquis de Blanche-Neige dont les grands yeux font penser aux mangas alors qu’ils datent des années 1930 ; ou encore les concept-art de Eyvind Earle pour 'La Belle et le Clochard' et ‘La Belle au bois dormant’, véritables chefs-d’œuvre à part entière !
Avec les « Nine Old Men », animateurs en place à la création des studios Walt Disney, ce sont tous ces virtuoses du crayon et du pinceau qui ont apporté ce ton, cette évolution des styles et cette modernité au sein de la firme. Et fait de celle-ci un indétrônable en matière de divertissement pour enfants, malgré la concurrence rude de ces derniers temps. Leur rendre ainsi hommage et conclure notre périple régressif par une photo de groupe dans les studios de Burbank démontre, si besoin était, que le musée Art Ludique fait donc un sans-faute avec cette exposition.
Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris