Musée d'Orsay - L'Origine du monde (Gustave Courbet, 1866)
Impossible de commencer ce dossier sans évoquer l'œuvre la plus chaude de Paris. L’Origine du monde nous présente un sexe de femme en gros plan, bien frontal. Le titre provocateur (mais finaud) nous rappelle que notre monde a commencé en passant par là. Avant d’atterrir à Orsay, L’Origine du monde se passe sous le manteau et son acheteur, Khalil-Bey, un diplomate turco-égyptien, a été bien clair : personne ne doit entendre parler de cette peinture. Elle reste d’ailleurs accrochée dans sa salle de bains cachée derrière un rideau, et dévoilée seulement à ses proches. Ruiné, le petit coquin doit s’en séparer et elle transite de main en main pendant 122 ans – le psychanalyste Jacques Lacan l’aurait cachée derrière un paysage signé André Masson après son acquisition en 1955.
Plus d’un siècle et demi après sa création, L’Origine du monde est toujours considérée comme l’une des toiles les plus scandaleuses de l’histoire. Son format grandeur nature et l’anonymat de son modèle rompent avec les corps plus prudes de Manet (qui font pourtant déjà grincer des dents). La femme nue au corps tronqué, lascivement enveloppé d’un drap blanc virginal, fascine autant qu’elle gêne. S’agit-il d’une scène post-coïtale ? D’une femme endormie peinte à son insu ? Est-elle mère ou putain ? Un peu des deux ? Le scandale ne s’est pas éteint avec les années. Car même dans une époque bombardée d’images pornographiques, L’Origine du monde fait toujours l’objet de censures régulières. En 1994, des policiers retirent carrément des bacs de certaines librairies les Adorations perpétuelles de Jacques Henric avec le tableau de Courbet en couverture. En 2011, deux comptes Facebook sautent après avoir posté une image de l’œuvre. Pas de doute, l'œuvre dérange, même aujourd’hui.