Dessins, céramiques de porcelaine et peinture donnent forme à l'onde aérienne de ces tétrapodes ailés. Chacune des artistes, avec le coup de fusain ou le tour de main qui caractérise son travail graphique, s'empare de la proposition et présente une série aussi complète et délicatement diversifiée qu'une nuée d'étourneaux.
Quatre artistes dans un bruissement d'ailes
Ainsi, dans cette petite galerie, nichée au cœur du 12e arrondissement, dans le creux que lui laisse le musée Rodin, on se retrouve aussi étourdi que lorsqu'on lève le nez vers le ciel en essayant de suivre du regard les palpitations collectives des oiseaux migrateurs. L'ensemble, par les formes et les matières différentes qu'il rassemble, offre une belle cohérence qui se construit en écho. D'un mur à l'autre, les œuvres se répondent et nourrissent les autres de leur propre puissance. C'est la mise en perspective du travail des unes avec les autres qui crée cette belle et précieuse impression de tournis.
Un doux envol sur papier
A peine esquissés que les voilà déjà repartis, les oiseaux, ne laissant que la trace de leurs ailes sur la page laiteuse. D'une grâce infinie, les dessins de Claude Hassan, tout juste déposés sur le papier, dégagent une puissance tout autant évocatrice que convocatrice. Ils attirent le regard, le happent, le capturent puis le relâchent pour qu'il continue sa route visuelle, rempli des images auxquelles il vient d'assister. Japonais dans leur calligraphie, ses dessins ont l'air aussi bien inspirés de la finesse du pays du soleil levant que d'une gravure religieuse ou d'une peinture rupestre. La série porte haut l'envol auquel elle donne forme tout en le laissant lui échapper.
Aux traits puissamment effacés de Claude Hassan répondent les ouvertures devinées entre les lignes doucement acérées au fusain de Raphaëlle Boutié. Composée d'une dizaine de petits formats, la série graphique ‘Anagogie’, aux rebonds vertigineux qui laissent entrer l'air dans une discrète mais présente fente, rappelle qu'il faut sortir de la cage, ne pas rester enfermé, prendre l'air et chercher la faille, la brèche ajourée pour s'y faufiler et respirer l'espace alentour. A cette admirable correspondance entre les œuvres de Hassan et Boutié, vient se mêler la dentelle de porcelaine que crée Pascale Morin, dont les courbes enlacées et fleuris dansent sur les bords des bols qu'elle vient décorer. De grands nids, crémeux et volatiles suspendent la légèreté de leur habitacle au-dessus des œuvres de papier. Entre reliefs et mises à plat, on se laisse transporter par l'éclat qui filtre par chacune des œuvres.
Vous découvrirez aussi le travail de Catherine-Maria Chapel - qui se mêle un peu plus difficilement avec le reste des œuvres -, très abstrait et coloré, dans une tout autre esthétique : plus fournie, plus brute. Ainsi, tels les photogrammes d'un film expérimental, les œuvres présentées dans ‘Les oiseaux’ se regardent dans l'intensité de l'instant fugace et déjà disparu mais dont la trace s'est pourtant fixée sur la toile.