C'est au moment où l'on a été subitement et physiquement privé de culture, que l'on s'est rendu compte de son indispensable place dans nos vies. Aussitôt confinés, combien ont été les gens qui, de manière épidermique, se sont abreuvés de créations artistiques, se faisant des discographies entières, en bingewatchant jusqu'à perdre la vue ou en découvrant la pratique du pain ?
On pense notamment à ces innombrables visites virtuelles, aux mastodontes de la culture qui ont continué de se produire sur scène (La Comédie Française, la Philharmonie…), à tous ceux qui nous ont ouvert leurs archives (La Cinémathèque, les bibliothèques de Paris) et aux établissements qui nous ont fait participer aux créations artistiques (concevoir sa propre BD grâce à la BnF ou participer à un concours photo avec la MEP). Sans oublier ces artistes qui nous offert des créations sur-mesure, comme les DJs (Arnaud Rebotini) ou les sempiternels journal du confiné (de Pierre-Emmanuel Barré à Wajdi Mouawad). Bref, à tous ceux-là, on a envie de vous dire une chose : merci !
Puis vint le manque. Celui de flâner dans les salles de musées, de pogoter dans une salle de concert, de s'émoustiller en club ou de s'émerveiller au théâtre.
Le temps du « monde d'après » est désormais venu. On l'a beaucoup évoqué, fantasmé, conceptualisé, mais il reste au final, entièrement à construire. Avec une question pas loin du souhait : et si la première pierre était posée par le monde de la culture ? Attention, loin de nous l'idée de farder une triste réalité faite de flou artistique et de précarité – on pense notamment aux salles de spectacles et aux clubs – mais de mettre les plein phares sur des réalisations et des réflexions concernant le rôle de la culture. Parce qu'on a l'intime conviction que ses acteurs, dans leur manière de créer, d'inventer, d'être des illuminés, portent en eux ce qui fera l'espoir du « monde d'après ».
Certes amputée, cette période estivale marque aussi le redémarrage de l'activité culturelle. Et les créations seront cet été, plus que jamais, à dénicher à l'air libre avec notamment « Fêtons l'été – Tout l'monde dehors » à Lyon ou « Le mois d'août de la culture » à Paris. Mais bien au-delà des événements ponctuels, on se demande si cet été ne préfigurerait pas une réappropriation plus globale de l'espace public (mais pas que) par les artistes.
Qu'on laisse les street artistes peindre les murs façon musée Tony Garnier et Boulevard 13.
Que les immeubles vides deviennent des lieux d'intense création comme le Wonder.
Que les innombrables friches se transforment en clubs et salles de concerts de demain.
Qu'on laisse les artistes imaginer l'avenir.
Pour sûr, cette liberté des espaces de création s'éprendra de l'idée de collectif, avec un raffermissement des liens entre les artistes et les gens. Gloire aux Souffleurs commandos poétiques qui, depuis 2001, « [tentent de ralentir] le monde » en chuchotant poétiquement à l'oreille des passants du monde entier. Mais aussi à la résidence des Grands Personnes dans les quartiers nord de Villeneuve-Saint-George qui a débouché en juillet sur un carnaval de marionnettes géantes. Et comment ne pas soutenir cette tribune de près de 500 photographes appelant les pouvoirs publics à les envoyer documenter cette période historique.
Et c'est dans la force et l'intelligence du collectif que la culture trouvera, surtout pour les plus précaires, sa planche de salut. Que ce soit autant pour sortir immédiatement la tête de l'eau que pour réfléchir à ses futurs contours. A l’instar de la tribune du DJ Simo Cell, évoquant la question écologique des tournées ou l'investissement dans les scènes locales. Ou encore de l'appel des indépendants, qui est le germe de quelque chose de grand. Lancé le 11 mars dernier par 30 structures indépendantes lyonnaises des médias et de la culture, il réunit quatre mois plus tard, 1 500 signataires dans 155 villes en France. La ligne de mire ? Les « Etats Généraux des acteurs culturels et des médias indépendants » prévus à Lyon en septembre et à Bruxelles le mois d'après. On prend date ?