Critique

Linder, 'Femme / Objet'

3 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
  • Recommandé
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Time Out dit

L’esprit dada saupoudré de féminisme et de révolte punk : voilà à peu près où se situe l’art de Linder (née Linder Sterling). Fille spirituelle de Hannah Höch et John Heartfield, l’artiste anglaise perpétue la tradition du photomontage chère aux avant-gardes du siècle dernier, en se nourrissant de la culture populaire et des médias. Depuis une quarantaine d’années, elle découpe soigneusement des magazines « féminins » (mode, cuisine, beauté, déco) et « masculins » (bricolage, immobilier, électronique, porno), réunissant leurs différents univers pour créer des décalages inattendus. En naît une faune délurée, critique d’une société de consommation misogyne. Des pin-ups domestiquées, posant dans leur salon, un aspirateur, un poste de radio ou un fer à repasser à la place de la tête ; des actrices porno léchant de grosses tartes à la crème collées au niveau de l’entrejambe de leur compagnon d’allégresse... Et ainsi de suite, jusqu’à ces grotesques ménagères de banlieue, personnifiées en 2009 par l’artiste elle-même, leur ennui et leur corps dissimulés derrière de grosses fleurs.

Le résultat n’est pas follement original. Le message (une « femme-objet » prise au pied de la lettre), pas vraiment subtil : il s’agit de « déconstruire la vision du monde que d’autres nous imposent ». Point. Mais si l’on est, pour un peu, sensible à l’esprit dada, on se laissera charmer par cette insurrection obstinée, qui tourbillonne de saynètes surréelles en découpages absurdes.

La redondance de Linder n’est pas non plus sans rappeler une chanson punk qui répéterait pendant deux minutes le même gimmick. Comme ce « no reply », « no reply », « no reply », « no reply », « no reply » des Buzzcocks. Le rapprochement n’est d'ailleurs pas anodin : à ses débuts, Linder crée justement plusieurs pochettes d’albums pour les Buzzcocks, fréquente les cercles underground du Manchester des années 1980 et réalise des portraits photo de Morrissey. Elle fonde même son propre groupe de punk, Ludus, pour lequel on la voit, dans une vidéo de 1982, monter sur scène vêtue d’une robe en viande (oui, une robe en viande), gode ceinture et cheveux ébouriffés à l’appui.

C'est cette même énergie, increvable et provocatrice, qui traverse ses photomontages. Et qui fait, nul doute, la force de ces vestiges loufoques d’une époque où les avant-gardes portaient encore l’espoir candide de la révolte.

> Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h / nocturne le jeudi jusqu'à 22h

Infos

Site Web de l'événement
mam.paris.fr
Adresse
Prix
De 5 à 11 €
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