Le rituel est bien rodé. Depuis plus de dix ans, Liu Bolin – célèbre homme-caméléon chinois passé maître dans l’art du camouflage – suit le même modus operandi : il se tient droit, ferme les yeux, se fige de longues heures, avant que son armée d’assistants le peigne méticuleusement pour le fondre dans le décor. Le décor, c’est justement la seule chose qui change : devant les ruines de son atelier pékinois rasé par les autorités en 2005 en vue des jeux olympiques, devant une affiche de propagande du pouvoir communiste en place, ou dans un rayon de supermarché pour mieux dénoncer la société de consommation, le performeur enchaîne les tirages (plus de 300) en Chine et ailleurs.
Sauf que voilà. L’artiste ultra-connu use encore et toujours de la même photo (si l’on peut dire) sans véritablement se renouveler. Preuve en est avec la micro-expo au dernier étage de la Maison européenne de la photographie. Certes, il maîtrise extrêmement bien ces éternels sujets de prédilection – comme lorsqu’il se dissimule derrière des unes Charlie Hebdo pour défendre la liberté de la presse. Certes, l’idée de se rendre invisible rend sa « protestation silencieuse » bougrement efficace. Certes, le tout est une véritable prouesse technique (réalisé sans trucages). Mais en attendant, son art mériterait bien un second souffle.