Mais où sont les bottes Tabi, les collections oversize, les vestes perruques ? Ne cherchez pas ces pièces iconiques qui ont fait la gloire anticonformiste du designer belge. Ici, la fashion n’a plus son mot à dire. Le fondateur de la Maison Martin Margiela a dit bye-bye à l’industrie de la mode en 2009 et le fait savoir en s’exposant pour la première fois en tant que plasticien. Juste plasticien.
Alors, qu’est-ce que ça donne un Margiela qui n’est plus chevillé à la haute couture ? Du bon. Du très bon, même. À travers une vingtaine d’installations, films, peintures et collages conçus in situ, celui qui s’était imposé comme un incontournable du stylisme dès les années 80 séduit ici en tant qu’artiste pluridisciplinaire, hanté par le temps.
Un sujet décliné à plusieurs sauces. Il y a le temps qui passe et fout les jetons, représenté via des chevelures dont les teintes évoluent du roux au gris. Il y a le temps qui blase, celui qu’on passe à taper du pied en attendant notre moyen de transport, et que Margiela exemplifie par un Abribus drapé de fausse fourrure.
Et puis il y a le temps de l’appréciation. Celui qu’on prend pour déambuler dans une expo labyrinthique (l’entrée se fait par la sortie habituelle, on emprunte un passage de secours…). Pas étonnant comme désorientation, nous direz-vous, de la part du couturier qui déboussolait son public en organisant ses défilés à l’intérieur de squats.
Là où les amateurs reconnaîtront la “Margiela touch”, c’est aussi par le regard attentif – attendri, presque – qu’il porte au banal. Photo de déo format XXL, vieux magazines, sculpture de torse, dessin anatomique… Là où Margiela passe, le quotidien vire à l’intrigant, l’inattendu, l’imposant. Le tout dans une institution connue pour la flexibilité de ses scénographies, à même de s’adapter aux fantaisies d’un créateur qui, visiblement, n’a rien perdu de sa capacité à surprendre là où on ne l’attendait plus. Tenez-le-vous pour dit : Margiela is back. Et en grande forme, s’il vous plaît.