A la Maison européenne de la photographie, un demi-siècle de photographie japonaise implante dans nos rétines, par le viseur de vingt-et-un de ses plus talentueux photographes, des souvenirs du Japon de 1950 à 2000. Cette impressionnante collection, démarrée en 1994 par Dai Nippon Printing Co. pour la MEP, donne à voir des instants marqués par leur temps et qui marquent le leur, des moments d’intimité glacés ou de grands espaces à peine apprivoisés et laissés à leur abstraction.
Nous voici dans le Japon d’après-guerre, traumatisé par ses catastrophes nucléaires et son occupation américaine, avec un symbolisme culturel qui ne demande qu’à éclater. Ces photographes que nous connaissons trop peu en Occident ont su danser avec leurs fantômes plus qu’ils ne s’en sont libérés. En un demi-siècle, ils ont pour certains réécrit les codes de la photo, quand d’autres comme Ihei Kimura se sont inspirés de Cartier-Bresson pour leurs portraits en majesté, ou du new-bauhaus pour ce qui concerne les photos amoureuses d’architecture de Yasuhiro Ishimoto.
Des villes aux perspectives écrasées de Taiji Matsue au jeu de cadre dans le cadre d’une série de photos dans les dunes de Tottori mises en scène avec humour et élégance par Shoji Ueda, chaque photographe cherche sa lumière au bout du tunnel. C’est l’occasion de découvrir le charnel 'Voyage sentimental' (1971), le premier livre du prolifique Nobuyoshi Araki, qui amasse les souvenirs sans compter, mais aussi les corps sulfureux aux contours comme millimétrés d'Eikoh Hosoe, qui revisite avec érotisme les mythes de démons ancestraux avec un danseur butō et qui fut l’un des fondateurs de la coopérative photographique japonaise Vivo (« vie » en esperanto), une éphémère agence née en 1957, qui portait déjà certains des photographes présents dans cette rétrospective.