Après avoir traité du réchauffement climatique ou du sida, le Palais de Tokyo s’affirme (une fois de plus) comme le centre d’art le plus politique de Paris. L’établissement du 16e donne désormais la parole à une artiste façonnée par la deuxième vague du féminisme et la banalisation de l’horreur, Miriam Cahn. A 73 ans, la plasticienne se moque de déranger. A travers plus de 200 œuvres réalisées entre 1975 et aujourd’hui, Cahn évoque simultanément son cycle menstruel, le viol ou la guerre. Si les sujets explorés ne sont pas ultra gais, sa façon de les représenter non plus : ici, on est dans le cru, et pas celui des restos de Bertrand Grébaut.
Que la Suissesse se rassure : l’expo nous a mis une tarte. L’espace – immense – invite à la déambulation, sans sens particulier. Si, d’habitude, le manque de cartels du Palais de Tokyo a tendance à nous agacer gentiment, il participe ici au dépouillement imaginé par Miriam Cahn et la commissaire de cette monographie, Marta Dziewańska. Il y a tellement d'œuvres à mater, tellement de sujets explorés, tellement de formats et de supports. Pas de cadres léchés ni de scéno super travaillée mais une honnêteté à crever le cœur, une immédiateté rare, surtout dans le milieu chiadé de l’art contemporain. Celle qui “envisage l’exposition comme une performance” nous impose un accrochage aussi radical que les œuvres présentées, dans un flux explosif, tout sauf linéaire. Résultat ? Une expo qui fait honneur à la carrière de Miriam Cahn, à sa “pensée sérielle” et surtout au monde chaotique dans lequel nous vivons.