En 2014, l’artiste plasticien Mohamed Bourouissa, connu pour ses œuvres impliquant des individus souvent relégués aux périphéries de la société (prisonniers, vendeurs à la sauvette, chômeurs…), s’est intéressé aux habitants de Strawberry Mansion, ce quartier du Nord-Ouest de Philadelphie où l’équitation est au cœur du quotidien de la communauté afro-américaine qui y réside. C’est que là-bas, les écuries associatives de Fletcher Street sont un refuge pour les jeunes adultes comme pour les chevaux sauvés de l’abattoir et ravivent les représentations historiques du cow-boy noir. Pendant son séjour sur place, il y organise Horse Day, un événement un peu spécial pour lequel artistes locaux et cavaliers ont collaboré dans le but de créer le plus beau costume de cheval, à la façon du tuning automobile.
Le western sous toutes ses coutures
L’ensemble de l’exposition documente cette journée de célébration, comme en marge de toute temporalité ; les croquis et les collages de Mohamed Bourouissa nous emmènent tantôt à la rencontre de ces cavaliers des villes et de leur univers jusqu’alors méconnu, tantôt dans le vif des préparatifs du concours. La scénographie nous guide progressivement vers le jour J qu’il est possible de revivre à travers un diptyque vidéo. En dépit de ses allures de documentaire, le film recrée, pour qui se laisse porter, un univers parallèle à la fois léger et significatif de situations sociales laissées entre parenthèses. Le récit se poursuit au moyen de photographies et de projections sur carrosseries de voitures : la confrontation des symboles opère et l’artiste multiplie les points de vue, comme pour sensibiliser le public à une réalité irréductiblement contradictoire.
Pourtant, de cette expérience diffractée, on revient avec un sentiment unique : celui d’avoir éclairci un peu plus le paradoxe américain – chevauchée sans queue ni tête du rêve à la dystopie.