Ce mois-ci, la très jeune Loo & Lou gallery accueille l’œuvre d’Olivier de Sagazan dans ses deux espaces parisiens. Ces derniers, conçus comme des boîtes noires géantes, permettent au public de découvrir dans le même laps de temps les œuvres les plus récentes de l’artiste (un ancien biologiste), et ses travaux antérieurs. Dans les deux cas, on se croirait dans un obscur laboratoire de muséum d’histoire naturelle…
Le visiteur, plongé dans la noirceur de cet univers, fait d’inquiétantes rencontres en parcourant la pièce du regard, et ce jusque dans ses recoins les plus sombres : ossements de bois et visages au regard fixe côtoient des cadavres d’argile qui semblent se refuser au monde et, par conséquent, à notre intrusion.
La faible lumière qui éclaire les sculptures d’Olivier de Sagazan révèle des corps que le vivant semble n’avoir jamais animé que pour les livrer à l’isolation – les condamner à un ailleurs qui n’est pas sans rappeler l’esthétique d’
Anselm Kieffer. Parmi ses œuvres datant de 2016, impossible d’ignorer ces miniatures de fœtus recroquevillés qui confèrent à l’exposition son atmosphère funeste. Tellement qu’on ne les observe pas de plus près.
Plus végétaux qu’êtres humains, ils semblent appartenir à la même communauté que ce personnage-navet aux jambes semblables à des racines et que cet homme écorché dont les entrailles ont été remplacées par une forêt desséchée. La déformation opère sur ce peuple de paille et de terre comme sur autant de créatures plus bizarres les unes que les autres : les têtes tombent ou se multiplient, les sexes s’étirent, les bras deviennent des ailes étonnamment majestueuses. A tel point qu’une mythologie, plus ou moins inspirée par les êtres hybrides de la culture populaire (comme les satyres) s’incarne de toute part.
Cette espèce nouvelle, pensée à la manière des épouvantails, attise la curiosité comme le feraient des objets occultes profanés. Et les photographies des performances d’Olivier de Sagazan, elles aussi, évoquent les rituels et les incantations : ses gestes, apparemment morbides, traduisent pourtant un appel à la vie revendiqué. En somme, les étranges totems d’Olivier de Sagazan se caractérisent plutôt par leur grotesque touchant, plus grossièrement philosophique que glauque ; et cette exposition en deux-temps constitue une expérience davantage cathartique qu’angoissante.