Attention régression ! Déjà qu'en passant par les tuyaux verts fluo de la Cité de la mode et du design on avait l'impression de remonter un toboggan, le retour en enfance est encore plus flagrant lorsque l'on débouche aujourd’hui (et jusqu’au 21 août) au premier étage des Docks. Là, l'espace bétonné s'illumine d'une ambiance colorée, pétillante, que renforcent au sol les confettis signalétiques d'Elise Fouin. Un clin d'oeil à la fête loin d'être le seul : en effet, le moindre recoin des lieux s'avère dédié au jeu. Même les cartels ont des allures de fanions chamarrés – une belle idée, bien que ceux-ci soient difficiles à lire sans les tenir.
S'amuser à l'ancienne... ou presque
Table de ping-pong, morpion géant et atelier de poterie... Quel que soit l'âge, on se laisse prendre aux jeux avec délice. Mais l'exposition PLAY ! ne s’éprouve pas seulement en tant que cour de récréation (ce serait trop facile). Le jeu étant le miroir de notre évolution sociale et technique – à l'image des cartes qui naquirent avec l'essor de l'imprimerie et le Monopoly qui s'imposa comme le symbole ultime du capitalisme au XXe – 'PLAY !' propose de véritables découvertes ludiques et numériques. Ainsi, la table de ping-pong ondule jusqu'à devenir un tube et les chantiers de construction s'ouvrent à présent aux adultes, par le biais de lego biodégradables et imprimés en 3D. A l'aide d'algorithmes complexes, l''Artisan électronique' transforme, lui, vos gestes de tourneur virtuel pour faire naître, grâce à l'impression 3D encore, la création que vous avez moulée dans l'air. Et, puisque l'imprimante 3D semble être l'invention du siècle, la voici également mise à l'honneur avec les avatars Leblox, des petits personnages en Pixel Art à personnaliser à votre effigie.
Mêlant design technique et jouets anciens – à l'image du Bantoosh, un type de football assis à tester, déchaussé, dans une grosse coque en bois – 'PLAY !' réinvente aussi la boîte à rythmes en une hutte totémique offrant une expérience musicale et visuelle psychédélique. Les illusions d'optique sont repensées avec le 'Chien en mouvement' et les 'Rocs' d'Objets Publics (déjà croisés aux D’Days). De même que la 'Masomenos Dance' ressemble à s'y m'éprendre à un 'Just Danse' inversé puisque c'est nous, visiteurs, qui guidons les personnages se déhanchant à l'écran. Sans oublier 'Kitchen Run', un escape game dans une cuisine aménagée dont le but est d’échapper à un vendeur escroc. Un loisir adapté à tous dès l'âge de 10 ans.
Jouer sur des divertissements connus du grand public en leur donnant une dimension inédite et plus futuriste, tel est donc le pari de PLAY ! Et il est majoritairement gagné si on excepte la présence de quelques anomalies.
Erreurs de casting
Si on ne peut s'empêcher de bien rigoler face au ‘Phonofolium’ de Scenocosme – un arbuste « chantant » à chaque fois qu'on lui caresse les feuilles... a priori il aime bien cela –, on reste perplexe devant la borne de l'application Hardi. Conçue par l'agence créative Fixioneers, elle permet de se prendre pour un directeur de publication et de modeler un magazine de mode à sa sauce. Un concept plaisant à ceci près que notre prise en main se résume à influer sur le scintillement du collier d'une pub Cartier par exemple. Bref, en plus d'être plutôt restrictif, on ne voit pas ce que ce gadget a de véritablement enthousiasmant (surtout pour les enfants).
Et que dire de 'Babel', installation « immersive » en bois et papier censée « déformer l'espace de manière féerique ». Au lieu de quoi on se retrouve face à une suspension géométriquement alambiquée – qui ferait sans doute une jolie lampe – projetant deux tristes ombres sur un paravent blanc : un peu décevant. Tout comme le quiz à la sortie de 'Kitchen Run' qui assure deviner, mordicus, LA décoration intérieure qui vous conviendra. Sauf que, en plus d'un résultat tombant à côté de la plaque, on a l'impression de sortir du piège d'un charlatan pour plonger dans un autre puisqu'on nous proposera ensuite 20 minutes de coaching avec un spécialiste : pas glop !
Outre ces quelques erreurs de casting, 'PLAY !' repousse gaiement les codes d’une exposition classique. D’ailleurs, elle est plus que cela : c’est un formidable moment de joie et de détente à vivre en famille. Qui, en prime, nous offre une séance de rattrapage pour admirer le 'Safari Urbain' de Julien Nonnon – des projections animales visibles sur les murs de Paris en septembre dernier. Et prolonge le plaisir de partager un après-midi de jeu avec sa tribu au travers d'ateliers pratiques pour façonner ses petites ou grosses bestioles (dans le cadre du morpion géant de Plus+Mieux Création) ou encore cuisiner à l'aveugle (en rapport avec 'Kitchen Run'). Ça donne l'eau à la bouche, non ?