Critique

Roman Vishniac : De Berlin à New York, 1920-1975

4 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
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Time Out dit

De Roman Vishniac (1897-1990), on connaît surtout ce portrait d'un monde qui vit ses dernières heures à la veille de la Shoah. Mandaté par l'American Jewish Joint Distribution Committee pour dresser le portrait des communautés juives de l'Europe orientale, le photographe né en Russie et alors installé à Berlin s'acquitte de sa mission durant quatre ans. De 1935 à 1938, il stigmatise notamment la misère urbaine des juifs dans les grandes villes polonaises, comme un écho lointain aux explorations américaines de Dorothea Lange. Pourtant, les presque cinquante ans de carrière de Roman Vishniac ne peuvent se résumer à cette seule période de sa vie, aussi marquante fût-elle. De sa street photography des années 1920 à son atypique intérêt pour la photomicroscopie biologique dans les années 1970, celui qui a immortalisé Albert Einstein ou Marc Chagall s’est aventuré vers toutes sortes de territoires photographiques, valise dans une main, Leica ou Rolleiflex dans l’autre.

Au-delà de l'importance documentaire de son travail, de son intérêt immuable pour les réfugiés ou de la beauté de certains clichés (comme ce 'Derrière les barreaux' pris au zoo de Berlin alors que les nazis sont déjà au pouvoir, donnant l'impression que ce sont les visiteurs qui sont enfermés face à des ours menaçants), il est intéressant de noter que Vishniac fait (presque) toujours ses photos avec une idée derrière la tête. La plupart du temps en effet, c'est sur une commande d'organisation philanthropique juive qu'il se lance dans ses séries, dans le but de susciter une réaction bien précise chez l’observateur (empathie, critique, révolte…) – pas tout à fait comme un artiste qui se contenterait de capter son environnement, ni vraiment comme un journaliste décidé à documenter la réalité. Bref, chez Vishniac, la photographie est avant tout un moyen qui doit, efficacement, inspirer quelque chose chez autrui.

Ainsi, son style ne cesse de s'adapter en fonction du sujet qu'il aborde. Quand ses clichés doivent servir à récolter des fonds pour aider les plus pauvres, il choisit délibérément de faire d'émouvants portraits d'enfants – genre dans lequel il excelle. Une autre fois, pour montrer la vigueur et l'enthousiasme des jeunes juifs en partance pour la Palestine dans un camp de préparation à la vie agricole, il compose des images géométriques, dynamiques, taillées autour des corps athlétiques de ses sujets. De quoi doubler cette riche exposition d'une intéressante réflexion sur le message de la photographie, surtout quand l'Histoire en détourne cruellement le sens – les séries en Europe de l'Est devenant, malgré elles, les dernières traces d'un monde sur le point de basculer dans l’horreur.

> Horaires : du lundi au vendredi de 11h à 18h (nocturne le mercredi jusqu'à 21h), le dimanche de 10h à 18h.

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Prix
De 4,50 à 7 €
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