Le cœur de l’art contemporain bat toujours aussi fort. Il suffit de se rendre à Montrouge pour prendre son pouls, même sans le sou. Du sang neuf, à vous racer le Beffroi, s’y expose sur quelque 1 500 m2. Soit cinquante-trois artistes, majoritairement féminines, de quatorze nationalités et sensibilités différentes. Une sélection moindre, moins engagée – et peut-être moins engageante – que l’année précédente, qui vient toutefois oxygéner l’air de l’art actuel par des techniques et des visions nouvelles. Voire, pour certains, réanimer le spectateur enthousiasmé qui sommeille en nous.
Une histoire écrite en quatre chapitres
Sous l’égide réitérée d'Ami Barak et Marie Gautier, la scénographie se divise comme l’an passé en un quatuor de lignes directrices, de fils rouges et invisibles tendus entre les espaces du lieu et les œuvres qui s’y propagent. Sans contrainte physique et mentale, le visiteur promène son regard intrigué des 'Récits muets' de Ji-Min Park (entre autres), dont l’installation tout à la fois intime et personnelle s’avère sobrement désindividualisée et bouleversante, à la section « Fiction des possibles », offrant notamment une virée hallucinée sur les autoroutes surréalistes, à mi-chemin entre Hockney et Hopper, de Dorian Cohen.
Dans le domaine d’« Elevage de poussière », référence subtile à la photographie éponyme de Man Ray, Capucine Vandebrouck, Linda Sanchez, Jeanne Briand ou encore Mark Daovannary donnent à repenser l’immatérialité en créant des images fortes et une empreinte de ce qu’on ne pouvait visualiser : l’évolution de la vie, le temps (en tension entre deux aiguilles), le vide (faille de boue piégée par un lacet), le bruit (rebondissant dans des globes de verre)… Quant au « Laboratoire de formes », il mériterait, lui, d’être renommé « laboratoire formes-ascétiques » tant on y croise de figures accumulées inutilement, de déjà-vu insignifiants et d’hommages sans intérêt ni attrait, de la sculpture oscillant entre le ‘Bird’ de Brancusi et le sac de golf dernier-cri d'Alexis Chrun à la ‘Sainte Hygiène’ de Nicolas Ballériaud, qui s’apparente en fait à l’exhibition du contenu de sa poubelle sur des étagères en bois.
Retour aux sources de l'artisanat
Heureusement, ces petites déceptions ne sont que l’inévitable apanage de l’assemblage collectif et sont loin d’être légion. On retiendra plutôt les perles rares qui s’enfilent, plus nombreuses que celles, baroques, sur le joyau couronné de succès qu’est le Salon de Montrouge. Et surtout Romain Gandolphe, nous livrant une visite guidée, ou plutôt contée et imaginative, du lieu déserté. Pierre Akrich et son culot magnifique de vendre ses propres factures comme des œuvres d’art – en vue de payer ses futures factures, quelle douce ironie ! Suzanne Huksy et son détournement écologiste de la célèbre tapisserie de ‘La Dame à la licorne’. Ou encore la lauréate Marianne Mispelaëre et sa tenture ornementale de fils à l’encre de Chine, brodée à vitesse constante.
Autant d’inventivité magistrale qui nous pousse à nous interroger sur l’avenir des installations ubuesques dans l’art contemporain au profit d’un retour aux techniques antiques.
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