Alors qu’à 13 ans, on était tous bloqués sur nos Game Boy et nos devoirs de maths, au même âge, Samuel Fosso maîtrisait déjà son appareil photo à la perfection, devenant très vite patron de son propre studio. Petit génie de la discipline, c’est pourtant par accident que le jeune Sam commence à manier l’art de l’autoportrait, technique qui fera sa renommée. « Je me suis mis à me prendre en photo pour envoyer des nouvelles à ma grand-mère restée au Nigeria, sans savoir ce que signifiait l’autoportrait. » Et dire que, quelques années plus tard, ce sont les médias et musées internationaux qui se chargeront de transmettre des nouvelles de l’artiste !
Passionné par la sape et la mise en scène, le dandy africain développe la même aisance derrière et devant l’objectif. A la manière de Cindy Sherman, Samuel Fosso se grime pour illustrer la société dans laquelle il évolue, représentant aussi bien les icônes des indépendances – de Patrice Lumumba à Nelson Mandela – que des activistes américains luttant pour les droits civiques, Malcolm X et Angela Davis en tête de file. Mais, comme Leto et Arya Stark, le photographe a « 100 visages » : un pape noir, des femmes bourgeoises ou libérées, un homme d’affaires pressé… Mais qui se cache vraiment derrière ce roi du selfie aux nombreux personnages ?
A travers un parcours thématique et près de 300 tirages présentés sur les deux étages principaux du musée, la Maison européenne de la photographie nous invite à découvrir les multiples facettes de la star africaine. Si son esthétique se dessine timidement dans ses œuvres de jeunesse, son goût pour la mode et la performance s’affirment plus vite, comme en témoignent la célèbre série Tati, réalisée dans la regrettée enseigne française, ou sa collaboration avec Vogue à la fin des années 1990. Mais Samuel Fosso, c’est bien plus que de la paillette et du swag. Récit de sa vie, engagement politique et moments d’introspection forts font de ce maître du camouflage l’un des artistes les plus complexes de sa génération. Esthétique et réflexion sont au rendez-vous de cette expo qui frise la perfection.