Egon Schiele, Nu aux bas violets (1910)
Egon Schiele, Nu aux bas violets (1910)
Egon Schiele, Nu aux bas violets (1910)

Le sexe féminin dans l'art à travers 19 œuvres

Petite histoire du vagin dans l'art occidental.

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Con, fouffe, fente, minou, barbichette, porte cochère, mont de Vénus... Appelez-le comme vous voudrez : l'art, lui, n'a pas attendu le dictionnaire des synonymes pour pousser la porte du jardin des délices. Objet d'innombrables fascinations, controverses culturelles et débats politiques, l'appareil génital féminin a nourri quelques-unes des obsessions les plus folles de l'histoire de l'art. La preuve en 19 œuvres.

A lire aussi : Tous à poil ! Pourquoi l'art est-il rempli de gens nus ?

Petite histoire du vagin dans l'art occidental

La Vénus de Hohle Fels (37 000 av. J.-C)

A commencer, peut-être, par La Vénus de Hohle Fels. Découvert en 2008, ce nu plantureux en ivoire est la plus ancienne représentation explicite du sexe féminin connue à ce jour. Issue de la région de l’actuel sud de l’Allemagne, la statuette préhistorique, tout en courbes et en fentes, aurait peut-être joué un rôle dans une sorte de rituel de fertilité.

Aphrodite (Ve siècle av. J.-C.)

On poursuit avec un grand Classique. C'est au Ve siècle av. J.-C., chez les Grecs, que l’épilation intégrale du triangle fait ses premières apparitions dans l'art et, par conséquent, le pubis imberbe devient la norme pour les artistes d'inspiration classique pendant plus d'un millénaire. Il paraît pourtant que les Grecs avaient tendance à recouvrir leurs sculptures en marbre de couleurs vives, avec de la peinture à l’encaustique (un mélange de cire et de pigments). Il est donc fort possible que cette Aphrodite, comme d’autres, ait été garnie d’un beau gazon – ce qui voudrait dire que le modèle classique de la moule à zéro, de rigueur pendant la Renaissance, serait peut-être le résultat d’un fâcheux malentendu.

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Titien, La Vénus d’Urbino (1538)

Le Titien est l’un des premiers maîtres à désinhiber le thème classique de la déesse de l’amour. A l’époque (1538), sa célèbre Vénus fait un beau scandale : on lui reproche l’audace de ce pubis à peine caché par une main nonchalante, allié à un regard un brin lascif. La peinture aurait été réalisée à la demande de Guidobaldo II della Rovere, duc d’Urbino, pour fêter son mariage.

Léonard de Vinci, L'Appareil génital féminin (1510)

Réalisée en plein essor culturel et scientifique de la Renaissance, cette étude anatomique signée De Vinci est peut-être l’une des premières tentatives de dépeindre l'appareil génital féminin de manière savante. Ou comment mettre le doigt sur le sujet sans se salir les mains.

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Goya, La Maja desnuda (c. 1797–1800)

A l’aube du XIXe siècle, la tyrannie des grands maîtres s’essouffle et, avec elle, l’engoncement académique et ses normes classiques. Quelque chose de nouveau se met à pousser sur la toile... Un poil ! Ce portrait de Goya, doté d’une petite coquetterie pileuse sous la ceinture, correspond peut-être à la première représentation d’un poil pubien de femme dans l’histoire de l’art occidental. Il fait partie d’une paire de toiles : le second tableau figure le même modèle dans la même position, mais vêtu de la tête au pied (La Maja vestida). On ignore à ce jour l’identité de cette femme, et les raisons pour lesquelles Goya choisit de la peindre. On ne peut donc que spéculer qu’il s’agit soit de (inspirez) María del Pilar Teresa Cayetana de Silva y Álvarez de Toledo, treizième duchesse d’Alba (expirez), avec laquelle l’artiste aurait entretenu une liaison amoureuse, soit de Pepita Tudó, jeune maîtresse de Manuel Godoy, duc d’Alcudia.

Gustave Courbet, L'Origine du monde (1866)

Eh oui, forcément. Impossible de penser « art + touffe » sans se tourner vers L’Origine du monde de Courbet, qui, en plus de 150 ans, n’a pas perdu une once de son érotisme et de son audace révolutionnaire. Peinte pour le diplomate turco-égyptien Khalil Bey, sa genèse reste méconnue. Aux dernières nouvelles, un amateur aurait retrouvé le « visage » du tableau : les expertises scientifiques sur lesquelles il s’appuie, L’Origine du monde aurait fait partie d’un portrait plus grand, sans doute de Jo Hifferman, l’un des modèles préférés du peintre (et maîtresse de James Whistler). C’est Courbet qui aurait découpé la toile par la suite, séparant le buste du « reste », pour rendre hommage au sexe féminin dans tout son noble anonymat. Une théorie qui nous laisse un brin sceptique. Affaire à suivre...

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Egon Schiele, Nu aux bas violets (1910)

A l'aube du XXe siècle, Vienne est le berceau de névroses sexuelles en tous genres – un fléau qui s’abat en premier lieu sur les artistes, heureux de lorgner ouvertement vers l'érotisme. C’est dans ce contexte de libération des mœurs que Schiele, enfant terrible de la Sécession viennoise, peint une multitude de nus féminins dans des positions nettement libidineuses. Ne pouvant s’offrir le luxe de modèles professionnels, le peintre demande à des prostituées et de jeunes commerçantes de prendre la pose pour lui. Au point de s’attirer des ennuis : son atelier devient le point de ralliement des adolescentes du quartier au grand dam des honnêtes gens de la ville et, en 1912, Schiele finit par être arrêté pour atteinte sexuelle à une mineure. S’ensuit une descente de police dans son atelier, à l’issue de laquelle il se voit confisquer 100 esquisses et accuser, en sus, de diffusion d’images immorales. Après 21 jours d’incarcération, les poursuites pour viol sont abandonnées. Mais le peintre est tout de même condamné pour avoir montré des images érotiques à des mineurs. Verdict : trois jours de plus au placard.

Georgia O’Keeffe, Iris noire (1926)

Si les études de fleurs ont toujours constitué l’un des sujets de prédilection de la peintre américaine Georgia O’Keeffe, certaines, comme celle-ci, sortent un peu du lot. La grande moderniste a eu beau prétendre n’y faire aucune allusion charnelle, presque toutes les interprétations de l’œuvre pointent vers une « fleur » d’un genre bien particulier. Alors si c’est vrai que des fois, une nature morte n'est ni plus ni moins une nature morte... euh là, bon, hein, quand même !

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Christian Schad, Deux filles (1928)

Dans le Berlin décadent de l’entre-deux-guerres, Schad figure parmi les représentants les plus éminents de la nouvelle objectivité, aux côtés d’Otto Dix et de Georg Grosz. Il se fait notamment remarquer pour son traitement presque pornographique de la sexualité féminine et son approche clinique, quasi-académique, de sujets brûlants comme la masturbation. Si la plupart des analyses s’accordent à dire qu’il s’agit ici d’une scène d’amour lesbien, on note que les deux femmes fixent quelque chose ou quelqu’un à l’extérieur du cadre. Qui ? Quoi ? Un indice, peut-être : un bracelet de montre d’homme traîne sur un oreiller, en haut à droite du tableau...

René Magritte, Le Viol (1934)

Pendant l’entre-deux-guerres, le rêve, la sexualité et le corps féminin hantent les créations des surréalistes. Anticonformistes invétérés, les membres du mouvement aspirent à une révolution visuelle et sociale qui, sur le plan artistique, passe souvent par la case libido. Dans cette peinture de Magritte, l’inconscient et le fantasme sexuel s’entrechoquent dans un cocktail corrosif. Exit les traits du visage, l’image de la femme-objet est à son comble : seins, nombril et sexe font office d’yeux, de nez et de bouche. A première vue, on fait difficilement plus misogyne (surtout dans le contexte du surréalisme, mouvement ouvertement phallocentré). Mais son titre fait glisser la toile vers un second degré critique : avec Le Viol, Magritte interroge la notion d'identité et le regard sexualisé que les hommes portent sur la beauté féminine.

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Marcel Duchamp, Etant donnés : 1. La chute d’eau, 2. Le gaz d’éclairage (1946–1966)

C’est la dernière œuvre qu’ait réalisé l’inventeur du readymade. Alors qu’il a soi-disant tiré une croix sur l’art pour se consacrer entièrement aux échecs, Duchamp travaille sur Etant donnés en secret, dans son atelier à New York, entre 1946 et 1966. Constituée de peinture, de moulages, d’objets trouvés, de cheveux, et même d’un système électrique, cette installation aux accents surréalistes ne peut être vue qu’à travers le judas d’une porte en bois condamnée, au musée de Philadelphie. Petite salle cachée dans laquelle se joue une scène étrange, digne d’un polar lubrique, Etant donnés reste une énigme – une sorte d’hymne pervers au rapport entre art et voyeurisme.

Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, Hon (1966)

L’essor du féminisme dans les années 1960 et 1970 marque un tournant décisif pour la représentation du vagin dans l’art : de nombreuses femmes-artistes se réapproprient l’image du sexe féminin, érotisé à tout-va au cours de l’histoire de l’art, pour en faire une arme politique. Niki de Saint Phalle (qui passe une grande partie de sa carrière de sculpteur à détourner les représentations classiques de la femme avec ses Nanas tout en couleurs et en rondeurs) sera l’une des pionnières du genre. Ventre arrondi, cuisses écartées... Réalisée en 1966 avec l’aide de Jean Tinguely pour le musée d’Art moderne de Stockholm, cette installation gigantesque signée du duo nouveau réaliste donne tout son sens à l’image de la « chapelle ardente ». Entourée de hordes de visiteurs prêts à pénétrer dans son « antre » comme les fidèles d’une église à l’heure de la messe, la sculpture a tout l’air du berceau sacré de la révolution sexuelle naissante.

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Valie Export, Aktionshose: Genitalpanik (1968)

1968. Un vent de révolte féministe souffle de plus en plus fort sur l’Occident. La performeuse autrichienne Valie Export (née Waltraud Lehner) en profite pour entrer dans une salle de cinéma à Munich, vêtue d’un pantalon généreusement troué au niveau de l’entrejambe. L’artiste se met à déambuler devant le public, le sexe à l’air : un geste censé interroger le rôle passif de la femme au cinéma. A l’image de ses autres performances, toutes plus engagées les unes que les autres, le coup du futal perforé fait aussi pénétrer la sphère privée de la sexualité dans l’espace public, histoire de bousculer les convenances du spectateur. Cette photo a été prise un an plus tard, à Vienne : Valie Export y tient un revolver en plastique, de façon à détourner les poses des groupuscules radicaux (et essentiellement masculins) de l’époque. Le coup de l’Aktionshose a été repris par d’autres artistes féministes comme Marina Abramovic et Eve Fowler.

Carolee Schneemann, Interior Scroll (1975)

C’est l’un des chapitres les plus gluants de cette petite histoire de l’art génital. Une des pionnières de la performance féministe, Carolee Shneemann, debout sur une table, n’y va pas de main morte dans cette mise en scène. Après avoir peinturluré son corps nu avec de la boue, on la voit extirper, centimètre par centimètre, un long rouleau de papier de son vagin tout en lisant un texte qui figure sur son « parchemin ». Un peu comme un messager du roi qui laisserait parler son moi profond, version beat generation, sauce Fluxus...

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Judy Chicago, Le Dîner (1979)

C’est peut-être l’apothéose de la représentation du vagin dans l’art. Dans cette installation, l’artiste américaine Judy Chicago imagine une cène symbolique entre femmes célèbres de l’Histoire (Virginia Woolf, Aliénor d’Aquitaine, la déesse de la Fertilité...). Chacune est représentée par une assiette dans laquelle végète une forme vaginale. Comme autant de synecdoques, vouées à souligner une ressemblance entre ces dames et leurs bijoux.

Marcel Mariën, La Renaissance (c. 1983)

Epigone du surréalisme belge, Marcel Mariën touche un peu à tout entre la fin des années 1930 et sa mort en 1993. Editeur et essayiste, il publie la première monographie de Magritte en 1943. Cinéphile, il réalise un seul et unique film, L'Imitation du cinéma, une satire érotique de l'Eglise qui fait scandale à sa sortie en 1960. Photographe, il explore essentiellement un sujet : le corps féminin. Impudiques, drôles et fidèles aux effets d'incongruité si chers aux surréalistes, ses photomontages jouent sur la confrontation absurde de différents univers et objets – le plus souvent sur fond de poils pubiens. Cette photo fait partie d'une série de « portraits » truqués, dans lesquels un miroir tenu au niveau du sexe d'une femme reflète l'image d'une figure historique (en l'occurrence la Vénus de Botticelli) ou de l'artiste lui-même.

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Marina Abramovic, Luminosity (1997)

Toujours dans la veine de l’activisme féministe, cette célèbre performance d’endurance n’est pas sans évoquer une sorte de scène de crucifixion, au parfum de cyclisme et d’œstrogène. On y voit Abramovic, nue, se tenir assise pendant plusieurs heures sur un siège de bicyclette accroché au mur.

Betty Tompkins, Cunt Painting #11 (2008)

Assez méconnue en France, la peintre américaine Betty Tompkins fait pourtant couler beaucoup d’encre aux Etats-Unis. Dans ses Fuck Paintings, Kiss Paintings et Cunt Paintings (« peintures de chattes », très littéralement), l’artiste utilise comme principale source des images porno, qu’elle restitue au pinceau, sous forme de très gros plans. Un hyperréalisme « macro » et monumental qu’elle développe depuis plus de quarante ans, qui souligne la grossièreté du sujet tout en le faisant glisser vers une certaine forme d’abstraction. Dénigrée et censurée durant les années 1960 et 1970, son approche extrêmement crue connaît aujourd’hui un franc succès outre-Atlantique.

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Vik Muniz, L'Origine du monde (d'après Courbet) (1999)

Notre courte étude de la fouffonologie artistique s'achève avec ce pastiche contemporain de L'Origine du monde par Vik Muniz. Iconoclaste invétéré, l'artiste brésilien prend un malin à plaisir à détourner les grands classiques de l'histoire de l'art en utliisant des matériaux improbables comme le sirop au chocolat, les pièces de puzzle ou le sang de synthèse. C'est à partir de fines particules de terre qu'il a réalisé cet hommage au chef-d'œuvre de Courbet.

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