“J’emmerde ce principe qui pousse à dire que la culture est une barrière – au contraire.” Ces mots, ce sont ceux de Mohamed Bourouissa, nouvelle star de l’art contemporain qui transforme le Palais de Tokyo en un champ de mimosas géant pour son expo Signal. Ici, tout son talent se déploie : photo, sculpture, dessin, installation… L’artiste ne saurait visiblement se contenter d’un médium unique, et connecte ses travaux (qu’on a déjà tous vus dans des institutions françaises) via un fil rouge pas vraiment habituel dans les établissements culturels parisiens : le seum.
C’est au rythme de gros sons de rap que l’on parcourt une expo un brin bordélique, plus conçue comme un immense espace que comme une suite de galeries. Un projet de jardin communautaire inspiré par un patient de l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville côtoie ainsi la photo d’oiseau coloré Si Di Kubi (2019), des aquarelles poétiques, des films ou encore des sculptures humaines grandeur nature, comme si le fait de tout essayer était, pour l’artiste, l’unique moyen d’échapper à son seum. Le seum postcolonial, le seum d’une jeune génération que les plus grands n’écoutent pas, le seum des impuissants face aux drames de Gaza ou à la condition des Afro-Américains. Celui du monde de l’art aussi, si codifié qu’il devient difficile de sortir du moule.
Le moule, lui, n’a pas eu raison de Mohamed Bourouissa, qui signe ici une expo intimiste, l’une des plus intéressantes de la saison. Elle n’est pas parfaite, non, et l’on arrive même à lui trouver un petit côté snob, en rupture avec le discours universaliste tenu par l’artiste, en raison de son absence de limites et de médiation claire. Mais Signal a le mérite de rendre concret le pouvoir de la culture : celui de renverser l’ordre établi et ne jamais être prisonnier d’un seum éternel.