Mais où sommes-nous ? Un pied du côté de l’Afrique, l’autre en Amérique. Tandis que notre regard lorgne l’Australie. Tout ça – magie de l’art ! – au Palais de Tokyo, investi de six expos regroupant une trentaine d’artistes décidés à « déjouer les enfermements géographiques » dans « un monde qui n’a définitivement plus de centre ».
Installations, peintures et films fêtent le métissage culturel, inoculent des pédagogies décoloniales. Et, surtout, fantasment une fraternité globalisée. La phrase affichée sur la façade du palais n’est-elle pas « Ici, nous portons tous les rêves du monde » ? Ambitieux programme pour une saison qui songe grand : Six Continents, ou plus.
Tout débute avec Ubuntu, un rêve lucide, l’expo chorale autour de laquelle s’articulent les cinq autres. Des toiles évoquant les exorcismes d’Afrique y côtoient, dans un détonant dialogue, plusieurs installations vidéo et même une « library » cosy, avec poufs et musique d’ambiance. Au total, 19 artistes donnent corps au concept africain d’« ubuntu » renvoyant à la solidarité, l’hospitalité. Et l’entraide.
La saison se poursuit avec un parcours « pensé comme un album » par Jay Ramier sur les origines du hip-hop. Puis direction le night-club abandonné d’Aïda Bruyère, un « paysage de films » autour de la regrettée Sarah Maldoror, cinéaste devenue une icône des luttes indépendantistes. Sans oublier la jungle de toiles réalisées par Maxwell Alexandre sur l’inclusion des Noirs au sein des lieux de pouvoirs. En guise de terminus zen, on recommande les délicates broderies de plantes imaginées par Jonathan Jones d’après plusieurs spécimens ramenés lors d’une expédition ordonnée par Bonaparte en Australie.
Soyons francs. Dans un contexte où le variant Omicron crée de nouvelles tensions autour de la fermeture des frontières et où la Biélorussie fait de l’enjeu migratoire un cruel levier d’influence, l’optimise affiché de cette saison aurait pu tomber à plat. Il n’est en rien. Pertinente, dynamique et porteuse d’espoir sur la question transnationale, cette programmation frappe juste face à l’urgence de l’actualité. De quoi réchauffer les cœurs, en ce novembre (un brin) morose.