Pas besoin d’être Lorànt Deutsch pour savoir qu’avant de devenir le musée que l’on connaît, Orsay était une gare qui accueillait les voyageurs venus de Bordeaux, Nantes et Toulouse. Et dans cette gare se trouvait un hôtel. Tous l’ont oublié mais Sophie Calle, elle, s'en souvient. Elle se souvient du papier peint décrépit et des longs couloirs, et surtout, elle se souvient de la chambre 501.
Nous sommes en 1978, Sophie Calle n’a que 25 ans et le grand hôtel a connu des jours meilleurs. Complètement vidé et désaffecté pour se préparer à devenir le spot favori des impressionnistes, l’hôtel devient l’atelier clandestin de la jeune Sophie. Elle n’y dort pas, ça la fait flipper. Mais elle y bosse, y accumule des objets trouvés la journée, des fiches clients, elle photographie sa piaule. De cette époque, elle conserve un butin fait de bricoles rouillées et de trésors souillés, à partir desquels elle inventera tout un univers. Les souvenirs fantomatiques des résidents disparus annoncent une pratique qui guidera le travail de l’artiste, situé entre récits intimes, mémoire et contes fantasmés. “Après coup, j'ai compris qu'il s'agissait peut-être de mon premier projet, débuté avant même Les Dormeurs (1979) et Suite vénitienne (1980)”, confie Sophie Calle. Un premier projet qui voit le jour quarante piges plus tard.
Plus qu’une expo, c’est une œuvre totale que l’on est amené à voir au musée d’Orsay. Les objets et les photos la composant s’accompagnent de textes rédigés par son invité, l’archéologue Jean-Paul Demoule. Chaque œuvre est associée à deux commentaires : l’un bleu, l’un noir. L’un historique et factuel, l’autre complètement imaginaire (et souvent très marrant). Comme à son habitude, Sophie Calle nous plonge dans un monde entre rêve et réalité, enquête et documentation, ready-made et création. Avec, toujours, comme résultat, de la poésie à l’état pur.