Jusqu'au milieu des années 1990, l'été, on passait deux mois coupés de ses amis, attendant impatiemment la rentrée pour retrouver ses petits camarades de classe. Pas d'Internet, pas de téléphones portables – bref, deux mois chez mamie en Bretagne à combler, l'Ennui sidéral avec un grand E. Dans ce contexte, les cahiers de vacances, qui proposaient de faire des exercices scolaires vaguement ludiques, paraissaient étonnamment excitants, même s'il serait dur, aujourd'hui, avec le recul, de comprendre pourquoi.
Heureusement, Steve Michiels a repris en main le concept du cahier de vacances pour en faire un objet décalé et satirique. Un livre-jeu baignant dans un humour caustique et un sens aigu de l'idiotie. Avec son mauvais esprit de petit blanc de classe moyenne peureux et étriqué, le dessinateur belge détourne les grands classiques : le labyrinthe, les 7 différences, les points à relier, le coloriage, et même, pédagogie oblige, des pages érudites de documentation scolaire. Sans oublier les petits gags en forme de respiration, pour s'aérer la tête après avoir autant réfléchi.
Seulement ici, au lieu de trouver la sortie du labyrinthe, il s'agit de réunir les deux parents divorcés d'un pauvre gamin qui s'ennuie devant sa télé. Quant aux différences à trouver, elles se cachent dans le magnifique tableau... d'une soirée échangiste ambiance club de province. Sans oublier le terrorisme, l'écologie, les relations hommes/femmes, l'hypocrisie ambiante et le souci des apparences, autant de sujets passés à la moulinette des vrais-faux jeux grinçants de Michiels, qui cache derrière son esthétique rondouillarde un regard acéré et moqueur sur nos moeurs. Voilà donc à quoi ressemble le Point Ephémère cet été : à une aire de jeu pour adultes, exhibant originaux et reproductions tirés de ce cahier de vacances pas comme les autres. Et pour les coloriages, les feutres sont même fournis, alors vous n'avez plus d'excuse.
Exposition en entrée libre, tous les jours de 14h à 19h.
Livre : 'Cahier de vacances pour la plage, la révolution et les dîners mondains', de Steve Michiels, éd. Frémok, 100 pages, 15 euros.