La Cité de la Mode et du Design présente plus d’une centaine de clichés, dont certains inédits, de l’œuvre du grand photographe allemand Erwin Blumenfeld. Rondeurs suaves des corps de femmes, envol léger de leurs tissus, saillance de leurs rouges à lèvres et ongles, transparence opaque des voiles qui les enlacent et mystérieuse douceur de leurs visages qui se fondent dans le décor onirique de la scène où elles tiennent le rôle de muses, femmes fatales ou sirènes enchanteresses. Entre Hitchcock et Wim Wenders, entre photos de mode faussement galvaudées et mises en scène poétiques frôlant l’obscurité, voilà le monde magique que met en images Erwin Blumenfeld.
Des femmes, des jupes, des voiles, du rouge : à la mode expérimentale
C’est au début des années trente qu’il décide de se consacrer entièrement à la photographie de mode professionnelle après avoir fait partie du mouvement Dada. Du dadaïsme il garde la liberté de jouer avec le réel, le ton audacieux de l’expérience et la curiosité inventive ; cela donne des photos de mode d’une beauté expérimentale, osée, décalée et intrigante. Les surimpressions démultiplient les femmes qui, de mannequins immobiles, deviennent Hydre de Lerne, tandis que le flou velouté de la mousseline ou la discontinuité de la lumière s’immisçant à travers des persiennes estivales donnent à voir un corps que seuls les cubistes auraient pu imaginer. Blumenfeld envisage alors la photographie comme un écran qui s’interpose entre nous et la réalité. Et c’est cette façon de voir et de penser qui lui procure cette liberté de détourner autant le réel que les codes de la photo de mode.
Un double mouvement de douce révolution qui s’infuse
Avec quelque 170 clichés, l’exposition retrace le désir d’exploration permanente qui animait le photographe. Des premières photos où l’inspiration de Man Ray se fait nettement sentir aux pionnières expérimentations faites en couleur, son œuvre est autant empreinte d’une riche variété que d’une forte cohérence. L’on glisse d’une photo à l’autre comme l’on voguerait sur une mer aussi régulière qu’insondable. Sans heurt apparent, ce travail est d'une hardiesse effrontée. La crème de la crème photographique.
Visages de poterie, statues grecques, déesses callipyges, veuves italiennes, figures mythologiques, photos aux rayons X, pierres tombales, natures mortes… Autant d’images en noir et blanc qui, mises ainsi ensemble, racontent l’histoire de la construction du regard du photographe. D’une beauté saisissante, ce mur de « l’absolu de la photographie » est à couper le souffle tant il montre qu’une image seule n’est rien tant qu’elle ne dialogue pas avec d’autres. L’exposition 'Studio Blumenfeld' reprend ce principe à son compte puisque chaque photographie n’existe qu’en regard des autres. D’une finesse malicieuse, le regard espiègle de Erwin Blumenfeld se donne à voir jusqu’au 4 juin, pour ceux qui sauront observer au-delà de l’apparence de papier glacé.
On a aimé, que dire, on a adoré cette exposition. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle figure dans notre sélection des meilleures expositions photos du moment. Mais aussi des meilleures expositions à voir à Paris, tout simplement.